Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

  • L’affaire Collini, par Ferdinand von Schirach

    L’affaire Collini, par Ferdinand von Schirach, Paris, Gallimard, 2014, 151 pages, 16.9 €.

     

    « Vous êtes avocat. Vous devez faire ce que font les avocats ».

    Il y a dans cette phrase tous les défis auxquels notre profession est aujourd’hui confrontée.

    Cette déontologie qui est notre force et que nous devons préserver.

    Ce conformisme qui pourrait ne pas nous permettre de l’adapter au monde d’aujourd’hui.

    Mais dans le contexte de ce beau récit, elle tient plus du romanesque que de notre réalité. Caspar Leinen, jeune avocat berlinois qui vient d’être désigné pour sa première affaire d’assises, doit-il accepter la défense de Fabrizio Collini, l’assassin du grand-père de son meilleur ami d’enfance ?

    « Et alors ? », lui répond le vieil et brillant pénaliste qui sera son adversaire. « Dans votre prochain procès, le meurtre vous fera penser à quelque élément tragique de votre enfance. Et dans celui d’après, vous ne cesserez de songer à cette ancienne amie qui a été violée… »

    Il accepte donc. La suite montre qu’il saura préserver son indépendance même s’il évolue dans un contexte qu’aucun bâtonnier n’accepterait.

  • Le 29 mai 2015, tous (ré)unis pour l'avenir de notre profession - Mot du président

    Jamais il n’y a eu dans le monde, et en Europe en particulier, autant d’avocats. C’est vrai en valeur absolue. C’est vrai en pourcentage de la population.

    Jamais le chiffre d’affaire des avocats n’a été aussi important, en tout cas si l’on embrasse dans les statistiques les cinq ou dix dernières années. C’est vrai en valeur absolue. C’est vrai en pourcentage du produit national brut.

    Si, dans le concert politique, la voix de notre profession se fait, sans doute, moins entendre qu’en d’autres temps, comme par exemple au XIXesiècle, l’influence des avocats sur la vie publique est plus grande que jamais. Ce que l’on appelle parfois, de façon sarcastique, le gouvernement des juges c’est d’abord, le gouvernement des avocats, c’est-à-dire le gouvernement de ceux qui portent les causes devant les magistrats et les forcent à les trancher, à la lumière de principes fondamentaux qui, s’ils n’ont pas tous été imaginés par des avocats, ont pratiquement toujours été coulés dans leur forme définitive par ceux-ci. Et pourtant (ou devrais-je dire « et en conséquence »), notre profession est aujourd’hui jalousée, enviée, attaquée, menacée.

  • Indulgences, par Jean-Pierre Bours

    Indulgences, par Jean-Pierre Bours, 2014, Paris, Editions Hervé Chopin, 416 p., 22 €.

     

    Le mal est au cœur du bien.

    Comment mieux en être persuadé qu’en entrant dans ce seizième siècle, à Wittenberg, avec Eva et Gretchen, avec Luther et Cranach, avec le docteur Faust et Frédéric III le Sage ?

    Il y avait la guerre et la peste. Il y avait les soudards et les pillards. Il y avait la dîme et le sou commun.

    Mais surtout la chasse aux fausses sorcières, le trafic d’indulgences, la luxure du clergé.

    Et l’inquisition. La justice était devenue un jeu. Des chats et, face à eux, une souris. Des lettrés qui avaient pour mission de contraindre de jeunes femmes, souvent des paysannes analphabètes, à avouer qu’elles avaient copulé avec le diable, qu’elles se rendaient au Sabbat avec lui en chevauchant des balais, qu’elles empoisonnaient hommes et bêtes et qu’elles pouvaient transformer les sexes en un bouquet de serpents … Pas d’avocat. Rien que des monstres qui, pour arriver à leurs fins usaient d’abord de ruses et de ficelles, puis qui recourraient à la question. Avec plaisir ? Sans doute…

    Le bien avait produit l’horreur absolue.

    Eva et Gretchen, la mère et la fille, tentent de se retrouver dans ce siècle de terreur et de folie. Eva et Gretchen, deux femmes qui luttent.

  • Les murs sont des oreilles - Mot du président

    Les murs sont des oreilles...

    Et aussi des yeux, et aussi des mémoires !

    La surveillance gouvernementale des masses n’est plus un fantasme, le produit de l’imagination débridée de Georges Orwell ou le cauchemar de fous judiciaires paranoïaques.

    Nous savons maintenant que toutes nos communications téléphoniques, électroniques, télématiques,… sont interceptées, enregistrées, stockées, scannées.

    Si elles ne sont pas écoutées, ce n’est pas parce que la technique ne le permettrait pas, mais seulement parce qu’il n’y a pas assez d’oreilles humaines disponibles.

    Les logiciels et les machines qui permettent cet espionnage en grand sont de moins en moins chers, de plus en plus accessibles. Hier, seuls les services secrets des plus grands Etats pouvaient se les offrir. Aujourd’hui, ils sont à la portée de joyeux petits bricoleurs ingénieux. Si certains ne savent plus communiquer sans agiter leur camp, d’autres en jouissent, sans vergogne.

    Le Conseil des barreaux européens (C.C.B.E.), dont, il faut le rappeler, le barreau belge est l’un des fondateurs et membres actifs, a décidé que le 10 décembre serait non seulement la journée internationale des droits de l’homme mais aussi la journée européenne de l’avocat.

    Cette coïncidence est évidemment délibérée.

  • Révélation dans la taïga, par Alain Lebrun

    Révélation dans la taïga, par Alain Lebrun, Paris, Transboréal, 2014, 231 pages, 10,90€.

     

    Est-ce un roman d’espionnage écrit par un naturaliste ? Ou un récit de voyage écrit par un espion ?

    Un Bob Morane écolo ou un Pétrarque militant ?

    Au-delà de l’histoire (John, un jeune amoureux de la nature, est chargé par les services secrets anglais d’aller récupérer dans la presqu’île de Kola, au Nord de l’U.R.S.S. de Brejnev, tout près de la frontière norvégienne, les plans d’une nouvelle arme fatale. Après l’avoir récupérée, il s’enfuit en compagnie de Yoki, une jeune et charmante Saami, avec bientôt toute l’armée russe à ses trousses), ce qui frappe c’est la fascination d’Alain Lebrun pour la terre-mère. Même avec trois hélicoptères et deux Antonov qui tournent autour de lui, une meute de chiens pisteurs et cinq cents hommes à ses trousses, notre héros reste sous le charme d’une berce-des-prés ou d’un gobe-mouche.

    Et puis, il y a ce cri d’amour pour la Terre, cette profession de foi paganiste, cette dénonciation de la violence des religions du livre, de tous les machismes. « Ressentir la flétrissure de la violence, c’est s’en vacciner ; pressentir la beauté, c’est la refléter », dit Yoki. Si cela pouvait être vrai …

  • Memory is a stranger, History is for fools

    The monkey looked up at the stars
    And he thought to himself

    Memory is a stranger
    History is for fools

    Quelques réflexions après la très belle séance de rentrée du Barreau de Liège, le remarquable discours de rentrée d’Olivier Bonfond et la superbe réplique du bâtonnier André Renette.

    Les peuples malheureux n’ont qu’ Une histoire.

    Monsieur le bâtonnier, monsieur l’orateur,

    Vous nous avez invités à parler de souvenir et de mémoire, de liberté d’expression et d’histoire.

    Je suis d’accord avec chacun de vous, sur presque tout.

    Sur les murs de l’exposition que nous venons de parcourir ensemble, il est écrit : « Il n’y a pas de plus grande liberté que d’être vrai. Il n’y a plus grande vérité que d’être libre ». Truisme ou paradoxe ? Evidence ou imposture ?

    Je suis de ceux qui pense que les chambres à gaz n’excusent par Gaza.

    Je suis de ceux qui pensent que les croisades n’excusent pas DAESH.

    Je suis de ceux qui pensent que les grand-mères du Pajottenland employées par de riches bourgeois bruxellois n’excusent pas les propos racistes de Théo Francken.

  • Communiquons ! - Mot du président

    Cette quinzaine est certainement à placer sous le signe de la communication.

    Tout d’abord, comme vous le lirez dans la Tribune n°62, elle marque le début de la troisième vague de notre campagne de publicité fonctionnelle. Vous n’entendrez plus de contes de fées ou de plaisanteries sonores sur les ondes de nos radios nationales. Mais vous découvrirez des bannières déroulantes humoristiques sur les sites de nos principaux quotidiens d’information. Pour marteler notre message, promu au rang d’adage par de nombreux journalistes et auditeurs (n’est-ce pas une remarquable consécration ?) : « Un avocat c’est quelqu’un qu’il faut voir avant pour éviter les ennuis après ! ».

    Simultanément, dès ce lundi 24 novembre, nous lançons notre nouveau site. Plus moderne, plus convivial, plus actif, plus humoristique. Plus attractif. Notre site n’était plus dans le bon bain. La métaphore est, cette fois, animalière. Après la grenouille et les pingouins, voici les kangourous, l’éléphant de mer, les fourmis et les abeilles.

  • Jacques Vergès, l’ultime plaidoyer, entretien avec François Dessy

    Jacques Vergès, l’ultime plaidoyer, entretien avec François Dessy, l’Aube, 2014, 176 p., 16,80 €.

     

    Pourquoi les avocats sont-ils si redoutés, au point que les dictateurs ne cessent de les menacer, de les emprisonner, de les exécuter, de les assassiner ?

    Sans doute parce qu’ils brisent les lignes. Celles qui séparent le vrai du faux, l’innocence de la culpabilité, le bien du mal.

    « Le mot ‘humanité’ au singulier désigne à la fois le genre humain dans sa totalité et le sentiment de compassion que chacun doit éprouver pour tous ses semblables. S’il est un mot qui exclut l’exclusion, c’est bien celui-là. L’humanité c’est tous ou personne », dit Jacques Vergès.

    Vergès les a défendu tous, les héros et les criminels. Mais où est la ligne qui sépare les uns des autres ? Est-ce seulement la victoire qui les distingue ? Les auteurs de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen sont aussi ceux qui ont fait régner la terreur. Benjamin Franklin est du camp de ceux qui ont massacré (génocidé ?) les indiens. Où classer Mandela, le Che, Mao, Ali Bhutto, Omar Bongo, Laurent Gbagbo, Barbie, Carlos ? L’histoire a dit. L’histoire dira. Mais est-elle un juge intègre ?

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