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Memory is a stranger, History is for fools

The monkey looked up at the stars
And he thought to himself

Memory is a stranger
History is for fools

Quelques réflexions après la très belle séance de rentrée du Barreau de Liège, le remarquable discours de rentrée d’Olivier Bonfond et la superbe réplique du bâtonnier André Renette.

Les peuples malheureux n’ont qu’ Une histoire.

Monsieur le bâtonnier, monsieur l’orateur,

Vous nous avez invités à parler de souvenir et de mémoire, de liberté d’expression et d’histoire.

Je suis d’accord avec chacun de vous, sur presque tout.

Sur les murs de l’exposition que nous venons de parcourir ensemble, il est écrit : « Il n’y a pas de plus grande liberté que d’être vrai. Il n’y a plus grande vérité que d’être libre ». Truisme ou paradoxe ? Evidence ou imposture ?

Je suis de ceux qui pense que les chambres à gaz n’excusent par Gaza.

Je suis de ceux qui pensent que les croisades n’excusent pas DAESH.

Je suis de ceux qui pensent que les grand-mères du Pajottenland employées par de riches bourgeois bruxellois n’excusent pas les propos racistes de Théo Francken.

Oui, il faut se souvenir. Ne pas oublier les massacres, les dérives, les humiliations. Mais il faut aussi faire la paix. Je n’ai pas dit pardonner.

Et dans ce contexte, les mots peuvent ruer. Les mots peuvent tuer.

Sacraliser les victimes ce peut être tuer la paix.

J’ai peur, comme Olivier Bonfond, de la marchandisation de la victimitude.

J’ai peur de l’asservissement de l’histoire.

L’histoire, comme la religion, peut être une arme de guerre. Il faut que l’histoire reste libre.

« Mettre quelque chose à la place de ce qui est ». C’est aussi une des phrases qui figure sur les murs de l’exposition. Oui, si c’est pour remplacer le mal par le bien. Non, si c’est pour effacer ce qui a été. Pour voler leur histoire aux vaincus.

Mais, comme vous l’avez très bien dit, Monsieur le bâtonnier, l’Histoire ce n’est pas la parole. Toute parole n’est pas histoire. La liberté d’expression ne peut être absolue.

J’ai eu le plaisir de participer, il a 5 ans, à un colloque sur la liberté d’expression. A Kigali. Au Rwanda. J’y arrivais avec mes certitudes d’européen, pétri de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Très heureusement, je devais parler parmi les derniers. Là-bas, il y a 20 ans, la liberté d’expression a fait plus d’un million de morts.

Tout ne peut être dit. Tout ne peut être dit n’importe où, n’importe comment.

Libérer l’histoire. Limiter la parole.

Facile à dire, spécialement dans un monde où les possibilités d’expression sont de plus en plus diversifiées.

Où tracer la ligne ? Oui, c’est difficile. Mais c’est parce qu’il y a des lignes qui ne sont pas faciles à tracer, entre l’histoire et la parole, entre le bien et le mal, entre la vérité et le mensonge, qu’il faut des avocats. C’est aussi notre mission et c’est pour cette raison qu’il ne peut y avoir de démocratie et de liberté sans avocat libre et indépendant.

Luttons,