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Jacques Vergès, l’ultime plaidoyer, entretien avec François Dessy
Jacques Vergès, l’ultime plaidoyer, entretien avec François Dessy, l’Aube, 2014, 176 p., 16,80 €.
Pourquoi les avocats sont-ils si redoutés, au point que les dictateurs ne cessent de les menacer, de les emprisonner, de les exécuter, de les assassiner ?
Sans doute parce qu’ils brisent les lignes. Celles qui séparent le vrai du faux, l’innocence de la culpabilité, le bien du mal.
« Le mot ‘humanité’ au singulier désigne à la fois le genre humain dans sa totalité et le sentiment de compassion que chacun doit éprouver pour tous ses semblables. S’il est un mot qui exclut l’exclusion, c’est bien celui-là. L’humanité c’est tous ou personne », dit Jacques Vergès.
Vergès les a défendu tous, les héros et les criminels. Mais où est la ligne qui sépare les uns des autres ? Est-ce seulement la victoire qui les distingue ? Les auteurs de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen sont aussi ceux qui ont fait régner la terreur. Benjamin Franklin est du camp de ceux qui ont massacré (génocidé ?) les indiens. Où classer Mandela, le Che, Mao, Ali Bhutto, Omar Bongo, Laurent Gbagbo, Barbie, Carlos ? L’histoire a dit. L’histoire dira. Mais est-elle un juge intègre ?
« J’ensevelirai mon frère », dit Antigone au nom d’une loi qu’elle croit supérieure à celle des hommes. Mais dans la vraie vie, les hommes sont plus complexes. « Où est la vérité d’un homme ? Qui peut la connaître ? Rarement le juge qui porte les verres teintés de l’ordre public. Plus souvent l’avocat, s’il a - et il devrait l’avoir - une âme de romancier, curieuse des gouffres, capable de se regarder dans le criminel comme dans un miroir ».
« Seul l’homme viole la loi qu’il édicte. Sartre disait : « L’enfer c’est les autres ». Je me range auprès de Rimbaud : « Je est un autre ». Cet autre c’est Je. C’est moi. C’est nous ».
François Dessy nous offre un beau voyage aux confins de l’humanité, de la vérité, de l’innocence, du bien et du mal, en compagnie du salaud lumineux. Un voyage qui, pour celui-ci, fut le dernier, puisqu’il devait décéder quelques jours après qu’il s’achève.
« L’avocat est celui qui doit assumer le plus d’humanité » disait Gide.
C’est un beau testament.