Prête-moi ta plume

  • Le coucou de Malines, par Alain Berenboom

    Le coucou de Malines, par Alain Berenboom, Bruxelles, Genèse édition, 2024, 256 pages, 22,5 euros.

    Boorman-Bloemkool avait donc contribué à soustraire à la Justice des collabos notoires. Mais la page était désormais tournée. Les condamnations se faisaient de plus en plus rares. Ceux qui avaient réussi à échapper aux poursuites, dans la fièvre et la vindicte de l’après-guerre, pouvaient souffler, leur inconduite était oubliée. Les gens ne voulaient plus entendre parler de la guerre, de ses horreurs, de ses victimes, ni de l’Occupation. Rien ne valait une bonne amnésie pour construire un avenir prometteur.

    Oyez, oyez, Michel Van Loo, le célèbre détective amateur de gueuze grenadine, n’est pas mort, comme on aurait pu le craindre après sa précédente enquête. Il est vrai que, chronologiquement, celle-ci se situe en 1957, et donc avant Van Loo disparaît.

    Le brave Michel, sa charmante (et délurée !) fiancée flamande Anne, et leurs éternels complices, le pharmacien Hubert, le coiffeur Federico et les frères syndicalistes Motta sont donc de retour pour une nouvelle enquête.

  • Adélaïde. Lorsque l’intelligence artificielle casse les codes, par Christiane Féral-Schuhl et Tiphaine Mary

    Adélaïde. Lorsque l’intelligence artificielle casse les codes, par Christiane Féral-Schuhl et Tiphaine Mary, Paris, Lefebvre-Dalloz, 2024, 134 p., 19,90 €.

    Avant d’être avocat, Me ChatGPT avait créé la legaltech Tenor qui offrait des consultations en ligne de grandes qualités, à des tarifs ultra-compétitifs…

    Christiane Féral-Schuhl a été bâtonnière du barreau de Paris et présidente du Conseil National des Barreaux. Elle est spécialisée dans le domaine du numérique. Tiphaine Mary, sans doute plus connue sous son pseudo @MaîtreEtTalons, est avocate à Paris et dessinatrice. Elles ont conjugué leurs efforts, l’une au scénario, l’autre au dessin, pour nous offrir cette bande dessinée éducativo-engagée sur les bienfaits et les dangers de l’intelligence artificielle.

    C’est l’histoire d’Adélaïde, une ado hyperconnectée, vivant dans la ville avant-gardiste de Futura, qui décide, malgré l’opposition de son frère Ferdinand, un ronchon antimoderniste, de faire accompagner sa grand-mère, mamie Jacinthe, par un robot humanoïde ultraperfectionné, MrHide. Pas besoin de vous faire un … dessin : si au début, tout se passe bien, cela ne va pas durer et mamie Jacinthe va se faire dépouiller par son nouveau compagnon ultra connecté et … connectant. Et tout cela débouchera sur un procès pénal dont tous les acteurs sont des robots…

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  • Au nom du peuple français, par François Molins

    Au nom du peuple français, par François Molins, Paris, Flammarion, 2024, 366 p., 22 €.

    « Vous allez exercer un métier dangereux ; pas pour vous, pour les autres ».

    C’est par ces mots que Pierre Truche, alors directeur de l’Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux, accueille François Molins lorsqu’il entame son cursus. On imagine facilement pourquoi le futur procureur général les a retenus.

    C’est en tout cas par ceux-là qu’il a choisi d’ouvrir ses mémoires. Il nous raconte donc son parcours, de Carcassonne à la Cour de cassation, en passant par Montbrison, la Corse, Lyon, la Seine-Saint-Denis et puis, bien sûr, Paris.

    Au nom du peuple français par François Molins | La Tribune (avocats.be)

  • La petite menteuse, par Pascale Robert-Diard

    La petite menteuse, par Pascale Robert-Diard, Paris, Collection Proche, 2023, 174 p., 7,9 €.

    Pascale Robert-Diard est la principale chroniqueuse judiciaire du journal Le Monde depuis 2002. Elle a couvert un grand nombre de procès spectaculaires, avec un œil toujours parfaitement aiguisé et un grand respect pour l’ensemble des parties (ce qui lui a d’ailleurs valu de recevoir le prix des anciens présidents du Jeune barreau de Liège, qui récompense tout compte-rendu judiciaire « révélant le souci de donner une information respectant les droits de l’homme et, en particulier, la vie privée, la réputation et la présomption d’innocence ») mais elle a aussi, avec les mêmes soucis, suivi des dossiers plus ordinaires, ce qui fait la justice au quotidien.

  • Le congrès et autres contes juridiques, par François Ost

    Le congrès et autres contes juridiques, par François Ost, Paris, Lefebvre Dalloz, 2024, 256 p., 19 €.

    François Ost, lui, n’est pas un positiviste. Il ne craint pas d’explorer des champs qui se trouvent au-delà du domaine de la pensée analytique. Et, pour la troisième fois[1], il a choisi la voie du conte pour partager ses réflexions/enseignements.

    L’ouvrage s’ouvre cette fois par un prologue substantiel. François Ost y fait le point sur le courant « Droit et littérature » dans lequel il s’inscrit. Il a pris une belle ampleur et cela le réjouit. Car, citant notre confrère Philippe Sands, dans la préface qui ouvre le beau roman graphique De Salamanque à Guantanamo, une histoire du droit international (Olivier Corten et Pierre Klein, dessins de G. Bedoret), « Comme le droit intègre notre vie quotidienne, il doit atteindre un public plus large si l’on veut qu’il ait un impact significatif et qu’il soit protégé de ceux qui aspirent à un monde où l’autorité et les pouvoirs souverains sont affranchis de tout contrôle », il considère, à raison, qu’il est urgent de faire comprendre au plus grand nombre que le droit n’est pas un exercice intellectuel un peu abscons, mais la condition de notre vie dans un espace de liberté.

  • Le cri du Falcon, un crime judiciaire d'Etat, par Bernard Maingain

    Le cri du Falcon, un crime judiciaire d’État, par Bernard Maingain, Kigali, Histoires et Images, 2024, 518 p., 30 €.

    Bernard Maingain a été, avec l’avocat parisien Lef Forster, le conseil de Rose Kabuye et de quelques autres leaders rwandais proches de Paul Kagame lorsque ceux-ci furent accusés, devant la justice parisienne d’être les auteurs de l’attentat du 6 mars 1994 qui entraina la chute puis l’explosion du Falcon, l’avion qui transportait, entre autres, le président du Rwanda Juvénal Habyarimana et le président du Burundi Cyprien Ntaryamira. On sait que cet attentat est à l’origine du génocide qui débuta le soir même et, peut-être même, quelques heures auparavant.

    Près d’un million de tutsis, et de hutus modérés, furent exterminés, souvent dans des conditions indicibles, en quelques semaines. Nous le savons tous mais il faut avoir visité le mémorial consacré aux victimes du génocide, pour en appréhender, ne fût-ce qu’un peu, l’ampleur et l’horreur.

  • Le Philatéliste et Les larmes du lagon, par Nicolas Feuz

    Le Philatéliste, par Nicolas Feuz, Genève, Rosie & Wolfe, 2023, 334 p., 19,5 €.

    Les larmes du lagon, par Nicolas Feuz, Paris, Le livre de poche, 2024, 288 p., 8,4 €.

    On vivait dans un monde où les pervers narcissiques seraient bientôt aussi nombreux que les ruptures de couple. Le phénomène de mode était comparable à la surpopulation d’enfants HPI dans les classes. La normalité, si tant est que la notion existe, était devenue l’exception.

    Nicolas Feuz, procureur du canton de Neufchâtel, est aussi l’auteur de seize romans policiers. Et il ne compte pas s’arrêter là.

    Le Philatéliste est, avant tout, un roman noir qui fait penser à des films comme Seven ou Bone collector. Un tueur, qui semble particulièrement sadique, organise un savant jeu de piste au moyen de colis postaux. Leur caractéristique commune : ils sont oblitérés avec des timbres confectionnés avec de la peau humaine…

    "Le Philatéliste" & "Les larmes du lagon" par Nicolas Feuz | La Tribune (avocats.be)

  • L'Itoi, par Jean-Marc Rigaux

    L’Itoi, par Jean-Marc Rigaux, Liège, Murmures des soirs, 2024, 239 p., 22 €.

    - Tu crois que je n’ai ni morale, ni sentiments. J’ai ma morale. Chacun a la sienne. C’est pour ça qu’il y a la guerre. L’Itoi l’avait compris.

    Qu’est-ce qu’un pervers narcissique si ce n’est celui qui n’a de morale que la sienne ? Qui ne pense que lui et pour lui. À n’importe quel prix.

    L’Itoi est un des principaux personnages de la cosmogonie Tohono O’odham, une tribu indienne du nord du Mexique. Lorsque Dieu créa la terre à partir de sa sueur et de sa saleté et qu’elle se collisionna avec le ciel, l’Itoi naquit. Avec Dieu, il peupla le désert, puis s’empara du titre de « Grand Frère ». Il éleva les humains et leur apprit les arts. Et puis la guerre. Puis il se retira sous terre au centre d’un grand labyrinthe. Seuls les plus forts le trouvent.

    C’est, en quelque sorte, le but du personnage principal de ce nouveau roman de Jean-Marc Rigaux[1]. Un psychiatre, psychanalyste renommé, voire un gourou. Il a eu trois femmes et trois enfants, dont nous découvrirons les destins.

  • "Monsieur Magendavid est venu nous dire bonjour", par Rosita Winkler et Déborah Gol

    « Monsieur Magendavid est venu nous dire bonjour… », par Rosita Winkler et Déborah Gol, Liège, Territoires de la mémoire, 2023, 180 p., 16 €.

    Rosita Winkler et Déborah Gol, épouse et fille de Jean Gol, bru et petite fille de Stanislas Gol, nous racontent l’épopée de leur famille au cours de la première moitié de ce funeste XXe siècle. Comment Coussel et Yocheved (qui sont les arrière-grands-parents de Déborah, les grands-parents maternels de Jean) ont quitté leur Lituanie (qui, à l’époque, n’était pas indépendante et faisait partie de l’empire des tsars) natale pour rejoindre cette Wallonie, à l’époque prospère et entreprenante. Comment ils s’y sont établis. Comment ils y ont regroupé leur famille. Comment ils y ont vécu. Comment ils y ont affronté le nazisme. Comment ils sont morts.

    Une histoire liégeoise, de 1908 à 1945, comme elles sous-titrent tout simplement leur récit.

    Leur travail est impressionnant. Elles ne brodent pas. Elles alignent des documents. Ceux qu’elles ont exhumés des archives nationales, communales, familiales. C’est un travail documentaire, terriblement impressionnant parce qu’il ne laisse pas de place à l’interprétation. Ce que nous lisons, ce sont des faits bruts.  Qui est parti quand. Qui est arrivé où. Qui a entrepris quoi. Qui a été persécuté. Qui a écrit quoi. Qui est resté. Qui s’est vu spolié de ses biens. Qui est arrivé à Auschwitz…

  • La Justice contre les Hommes, de Laure Heinich

    La Justice contre les Hommes, par Laure Heinich, Paris, Flammarion, 2023, 202 p., 20 €.

    Eric dit qu’il va en crever s’il continue, qu’il va y laisser sa peau. Il poste sa missive sur les réseaux sociaux, il se sent « au milieu de ce monde de justice qui ne nous écoute plus », il pense qu’il « n’en a plus la force ». Il ne veut pas non plus « mourir avocat ». Ce qui le motive, des considérations personnelles (un peu) et « les non-réformes toujours plus déconsidérantes de la justice » (surtout). Nous devenons quasiment des avocats de l’institution, celle qui broie nos clients, celle qui se moque, nous l’excusons, nous passons un temps infini à dire à ceux que nous défendons que le juge fait de son mieux, mais que lui non plus, il ne peut plus. Eric a déjà trop sonné l’alerte, il en est à constater le déluge : « Je n’ai pas choisi ce métier pour l’effondrement qui vient » …

    Est-ce ainsi que nous voulons vivre ?

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