Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

  • Sang-froid

    Sang-froid, n°1, Printemps 2016, Paris, Nouveau Monde éditions, 15 € le numéro.

     

    Une nouvelle revue, trimestrielle, consacrée à la Justice, à l’investigation et au polar… Un cocktail original.

    Son emblème : Dame Justice qui jette un œil, sous son bandeau, sur les révélations que contient ce premier numéro…

    Et, il y a effectivement, un peu de tout…

    J’aime bien la nouvelle de Franck Thilliez, « Je préférerais tuer avant la fin du film ». L’histoire d’une vengeance qui se voulait subtile mais qui l’est finalement nettement moins. Une vraie nouvelle. Quand on arrive au bout, on se dit que c’est là que tout va commencer…

    Une enquête sur la disparition de la fortune de Saddam Hussein, une autre sur les cadeaux du colonel Kadhafi à la France.

    Du côté chronique, le portait d’une star de l’antiterrorisme, la juge Laurence Le Vert, ou l’évocation de la chute médiatique d’une star du cinéma muet, Roscoe Arbuckle. Qui se souvient que ce dernier fut l’un des rivaux de Charlie Chaplin ou Buster Keaton, et qu’il fut emporté par le scandale d’une accusation de viol dont il fut pourtant blanchi ? Déjà en 1921, la presse pouvait étouffer des hommes. Pas de fumée sans feu…

  • Défendons-nous ! - Mot du président - 21/04/2016

    Ce n’est pas cette information qui fait scandale à la une des journaux et, il faut bien l’admettre, personne ne s’en étonnera : l’affaire des Panama papers a pris naissance dans ce qui est sans doute la plus grande violation du secret professionnel des avocats de l’histoire... À l’origine, il y a le pillage des données privées qu’un cabinet d’avocats avait, sans doute, insuffisamment protégées.

    Quasi-concomitamment, la Cour de cassation de France valide les écoutes des conversations téléphoniques entre Nicolas Sarkozy, lui-même avocat, et son conseil, Maître Thierry Herzog (elle a cependant le bon goût, le même jour, soit le 22 mars 2016, d’invalider les écoutes des conversations téléphoniques que ce même Thierry Herzog avait eues avec son bâtonnier, Pierre-Olivier Sur[1]).

    Le secret professionnel des avocats s’érode. Et avec lui, c’est notre indépendance et, dès lors, notre raison d’être, qui est en danger. Car sans indépendance, au nom de quoi pourrions-nous encore revendiquer le privilège de parler au nom d’autres femmes et hommes, nos clients, lorsque leurs intérêts les plus fondamentaux sont en péril ?

  • Murmures à la jeunesse

    Murmures à la jeunesse, par Christiane Taubira, Paris, Philippe Rey, 2016, 94 p., 7 €.

     

    « Signes ce que tu éclaires, non ce que tu assombris ».

    Christiane Taubira convoque René Char, comme Victor Hugo, Aimé Césaire, Paul Éluard et Aragon, Nina Simone, Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Jacques Brel, Oum Khalthoum, Georges Brassens, Juliette Greco et Maxime Le Forestier (une fabuleuse tirade, de la page 66 à la page 68), et tant d’autres encore, pour résister à la déchéance de nationalité. Une sorte de front des humanistes éclairés.

    Ils sont là.

    Comment les nommer ? Comment les nommer bien, c’est-à-dire sans qu’un mot mal choisi ajoute du mal au mal ?

    Comment les combattre ? Avec quelles armes ? Comment ne pas commettre à nouveau les erreurs que nous avons déjà commises ? Comment ne pas en commettre d’autres, qui pourraient même être pire ?

    Au pays de Descartes, de Montaigne, de La Boétie, de Simone Weil (autre superbe passage, pages 16 et 17), est né le projet de déchoir de la nationalité française ceux qui auront été condamnés pour actes de terrorisme. Cette proposition a été portée par un président socialiste.

  • Je me souviens... - Mot du président - 07/04/2016

    En ce début de mois d’avril, comme chaque année depuis vingt-neuf ans, nous avons rendu hommage à mon père, le bâtonnier Jacques Henry. Les plus jeunes ne s’en souviennent sans doute pas, le 1er avril 1987, alors qu’il intervenait dans une affaire dite « à risques », les forces de l’ordre laissèrent entrer dans la salle d’audience l’amie d’un des prévenus sans la fouiller. Elle portait une grenade et un revolver. La suite s’imagine facilement. Sous la menace de sa grenade, elle transmit le revolver à son compagnon. Une fusillade s’ensuivit. À la faveur d’une brève accalmie, mon père lança un appel au calme. Il ne fut pas entendu. Quelques secondes plus tard, il gisait, mortellement atteint, aux côtés de celui qui avait été son client.

    Il avait été un grand bâtonnier (moins de deux années plus tôt). Il avait porté haut la défense des mineurs, des droits de l’homme, de la défense. Une grande voix venait de s’éteindre.

    Il n’a pas connu la chute du mur de Berlin, les espoirs et les massacres qu’elle suscita, la patte du diable. Il n’a pas connu la réunification de l’Europe, le génocide du Rwanda, les guerres du Golfe, le 11 septembre 2001, le 11 mars 2004, Yes we can, le printemps arabe, Charlie-Hebdo, le Bataclan, le 22 mars 2016. En aurait-il été surpris ? Sans doute pas. Il me disait que le péril viendrait du Sud, pas de l’Est.

  • Ne jetons pas nos droits et libertés avec la peau des terroristes

    C’est avec surprise et incompréhension qu’AVOCATS.BE (Ordre des Barreaux francophone et germanophone), qui représente les quelques 7.800 avocats francophones et germanophones de Belgique, a pris connaissance des incidents qui sont survenus ce samedi 2 avril 2016 sur la place de la Bourse.

    Une trentaine de manifestants, dont Maître Alexis Deswaef, président de la Ligue belge des droits de l’Homme, y avaient été interpellés brutalement. Ils avaient été privés de leur liberté, menottés et arrêtés administrativement.

  • #BruxellesMaBelle

    D’abord une infinie tristesse.

    Pour ceux qui sont tombés. Des enfants, des femmes, des hommes, étrangers à toute cette haine, victimes expiatoires parce qu’ils vivaient au cœur de l’Europe, vies brisées au nom de la terreur.

    Ce sont nos proches, ou en tout cas des proches de nos proches. Nous les connaissons. Nous les avons serrés dans nos bras. Nous les avons embrassés.

    Nous les pleurons.

    Pour lire la suite de cet éditorial, publié à la suite des attentats du 22 mars 2016, à Bruxelles, http://eepurl.com/bVdudL

  • Turquie - Arrestation d'avocats

    Alors que l’Union européenne s’apprête à signer avec la Turquie un accord que beaucoup s’accordent à trouver infâmant, voici les correspondances qu’en ma qualité de président d’AVOCATS.BE j’adresse à Monsieur Recip Erdogan, d’une part, à Madame Federica Mogherini et à Messieurs Charles Michel et Didier Reynders d’autre part.

    Elles ont trait à la rafle pratiquée la nuit du 15 au 16 mars 2016 à Istamboul au cours de laquelle une vingtaine de personnes, dont 9 avocats, ont été arrêtés. Il faut noter que ces neufs avocats devaient assurer hier la défense de 46 autres avocats eux-mêmes poursuivis pour avoir accepté de défendre Monsieur Ocalan, président du Parti des travailleurs du Kurdistan.

  • La rentrée de Barcelone : sagrada familia !

    La Sagrada Familia me fascine. Cathédrale inachevée tendant ses flèches improbables vers le ciel dans un délire onirique, elle s’élève comme un défi à la norme, au bon sens et à la raison : reconnaissance par les hommes de la toute-puissance de Dieu ou contestation des règles immuables qu’il nous aurait fixées ? Sera-t-elle un jour terminée ? Ce n’est pas sûr mais, aujourd’hui, c’est quand même peut-être. Elle monte en tout cas, et chaque année un peu plus.

    Barcelone, c’est aussi plus de 25.000 avocats, dont deux bonnes centaines fêtent, en cet an de grâce 2016, leurs vingt-cinq années de barreau, et une bonne trentaine leur jubilé professionnel. Si on y ajoute les avocats qui, pour une raison ou une autre, reçoivent des médailles qui soulignent tel ou tel mérite, cela représente un fameux défilé et, donc, une longue cérémonie agrémentée de quelques discours de circonstances, un tantinet fastidieux il faut bien l’admettre. Seules les passes d’armes (olé !) entre les ministres de la justice égaient un peu les invités qui n’ont pas de jubilaire ou de lauréat à photographier. Les ministres ? Bien sûr : un catalan et un fédéral qui, forcément, ne parlent pas la même langue…

  • Vous aimez passer à la télévisions ? Vous allez être servis... - Mot du président - 17/03/2016

    Du moins si vous êtes pénalistes…

    Pas besoin de vous inscrire à The voice ou à Top chef.

    Pas besoin non plus d’accepter une affaire médiatique et de vous précipiter sur le premier journaliste qui passe.

    Il vous suffira d’être l’avocat d’un détenu.

    La loi du 29 janvier 2016 (M.B. du 19 février 2016) prévoit en effet que les présidents des chambres du conseil et chambres des mises en accusation pourront recourir à la vidéoconférence pour certaines comparutions. Dans cette hypothèse la personne détenue préventivement sera invitée à assister à l’audience via un système de projection vidéo, à partir d’une salle aménagée dans la prison dans laquelle elle est retenue, tandis que les magistrats siègeront au palais de justice.

    Dans quelles hypothèses ? Ce n’est pas précisé à ce stade. Nous ne savons pas encore si le recours à cette faculté sera possible pour toutes les audiences (en ce compris, par exemple, la première confirmation du mandat d’arrêt ou le règlement de la procédure). Nous ne savons pas non plus si une ordonnance motivée sera nécessaire ou si cette faculté sera réservée à des hypothèses particulières. Faudra-t-il justifier d’un péril particulier ?

    L’accord du détenu sera-t-il requis ? Il ne le semble pas. Nous l’avions pourtant réclamé lors des auditions parlementaires qui ont précédé l’adoption de cette loi.

  • D'une femme inconnue...

    D’une femme inconnue …, par Patrice Haffner, Paris, L’Harmattan, 2014, 224 p., 21€.

     

    « Il y a un principe, Martin, important. L’avocat ne doit pas questionner un client au-delà de ce qu’il veut lui dire. C’est le seul moyen pour qu’il puisse bien le défendre, et que le client ait confiance en lui. On doit foutre la paix au client, Martin, sauf s’il dit des énormités. Ne pas l’obliger à vous dire des secrets qu’il regrettera ensuite et vous demandera de cacher, ce qui n’est pas possible. Donc on accepte de le défendre tel qu’il présente sa défense ou on ne le défend pas. L’avocat assiste son client, Marti, il ne le représente pas. Il n’est pas obligé d’avaliser tout ce qu’il dit. C’est comme ça depuis les Romains… ».

    Non, ce n’est pas l’avocat de la mère qu’il recherche, patiemment, obstinément, impatiemment, qui pourra la lui dire, à Martin, cette insaisissable vérité.

    C’est l’histoire d’une quête et d’une enquête.

    Martin est né, vingt ans plus tôt, « sous x ». Ses parents adoptifs le lui ont révélé quand il avait 14 ans. Ils sont morts tous les deux. D’abord elle, et puis lui, tout récemment, dans des circonstances intrigantes, assez en tout cas pour éveiller des soupçons. Empoisonnement ? Mais qui aurait souhaité abréger la vie d’un homme qui était déjà sur son lit de mort ?

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