Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

D'une femme inconnue...

D’une femme inconnue …, par Patrice Haffner, Paris, L’Harmattan, 2014, 224 p., 21€.

 

« Il y a un principe, Martin, important. L’avocat ne doit pas questionner un client au-delà de ce qu’il veut lui dire. C’est le seul moyen pour qu’il puisse bien le défendre, et que le client ait confiance en lui. On doit foutre la paix au client, Martin, sauf s’il dit des énormités. Ne pas l’obliger à vous dire des secrets qu’il regrettera ensuite et vous demandera de cacher, ce qui n’est pas possible. Donc on accepte de le défendre tel qu’il présente sa défense ou on ne le défend pas. L’avocat assiste son client, Marti, il ne le représente pas. Il n’est pas obligé d’avaliser tout ce qu’il dit. C’est comme ça depuis les Romains… ».

Non, ce n’est pas l’avocat de la mère qu’il recherche, patiemment, obstinément, impatiemment, qui pourra la lui dire, à Martin, cette insaisissable vérité.

C’est l’histoire d’une quête et d’une enquête.

Martin est né, vingt ans plus tôt, « sous x ». Ses parents adoptifs le lui ont révélé quand il avait 14 ans. Ils sont morts tous les deux. D’abord elle, et puis lui, tout récemment, dans des circonstances intrigantes, assez en tout cas pour éveiller des soupçons. Empoisonnement ? Mais qui aurait souhaité abréger la vie d’un homme qui était déjà sur son lit de mort ?

Il y a plusieurs femmes qui gravitaient autour de lui. Sa sœur Jacqueline, qui avait repris les choses en mains, depuis le décès de sa belle-sœur. Émilie, qui était à la fois cuisinière, toujours à la recherche de nouvelles saveurs, et gouvernante, qu’il avait couchée sur son testament, et ailleurs aussi… Selma, la femme d’ouvrage, confidente bavarde et maladroite. Cattie, étudiante en pharmacie créole, passionnée d’herbes maléfiques ou psychotropes. Autant de suspects. En plus de Martin lui-même, bien sûr.

Il est vrai que, lui aussi, étudie la pharmacie et qu’il conçoit même une certaine passion pour les poisons naturels …

Mais cela n’intéresse pas Martin. Ce père n’était plus le sien. L’avait-il d’ailleurs jamais été ? Seule sa mère compte pour lui. La retrouver, comprendre. Pourquoi l’a-t-elle abandonné ? Pourquoi l’a-t-elle oublié ? L’a-t-elle oublié ? Était-elle cette assassine dont lui parle sa tante ? Et qui a-t-elle tué ? Son père ? Pourquoi ? Pour qu’il vive ? Pour le protéger ? Parce qu’elle l’aimait, d’une certaine façon ? Des questions, des secrets – aussi des secrets professionnels – qui se lèveront peu à peu, jamais entièrement, car on ne perce jamais tous les secrets.

Une enquête et une quête. Avec des poisons mais sans chlore, sans aseptisant.

Patrice Haffner, ancien secrétaire de la Conférence du stage de Paris, nous livre un roman d’avocat. Car il faut en être un pour ne juger personne, donner de l’épaisseur humaine à ces destins croisés, si ordinaires, si différents, si extraordinaires. Quelques approximations typographiques ne gâchent pas le plaisir de suivre cette plume fluide et élégante.

Attendre, entendre, comprendre, rendre, défendre.

Surprendre aussi, parfois…