Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

  • 5 meurtres, comme une œuvre pieuse

    5 meurtres, comme une œuvre pieuse, par René Swennen, Paris, L'Harmattan, 2016, 116 p., 12,5 €.

    "Ce qu'est la tyrannie ? C'est l'État de droit, avvocato...

    Donc, je me suis liée avec cet homme d'affaires qui prônait le rétablissement de l'État de droit en Sicile, c'est-à-dire le droit pour un patron, lui en l'occurrence, de licencier en toute légalité trois cent personnes dans une entreprise bénéficiaire afin de délocaliser l'usine en Pologne et d'augmenter encore les bénéfices.

  • Les VIIIe rencontres de Madrid

    La rentrée de Madrid c’est, bien sûr, une cérémonie solennelle. Des points communs avec les nôtres. Et puis des particularités. Ici pas de discours de rentrée. Une brève intervention du bâtonnier pour clore une suite de panégyriques (ils appellent cela « Laudatio »). Mais qu’importe, le sens général de la manifestation reste le même. Affirmer le barreau dans la cité, célébrer ses valeurs, renforcer sa cohésion.

    Depuis huit ans, la rentrée de Madrid c’est aussi l’occasion pour les bâtonniers du monde de se rassembler autour de thèmes qui nous sont communs. Et cette édition n’a pas déçu.

    Une première table ronde, dès le jeudi soir, sur un des thèmes d’aujourd’hui, « Menaces terroristes : Liberté vs Sécurité ». État d’urgence en France, pots-pourris chez nous (c’est Yves Oschinsky, premier vice-président le Fédération des Barreaux Européens, qui a fait le rapport avec sa verve habituelle – c’est un vrai spécialiste du droit des gens), menaces constitutionnelles en Pologne, renforcement de la sécurité en Inde : les orateurs se succèdent et c’est chaque fois la même litanie. Partout la même dénonciation : la lutte contre le terrorisme est le prétexte à des restrictions considérables des libertés, sans que l’on voit bien le rapport de proportionnalité entre le première et les secondes.

  • Intelligence artificielle : anticiper ou subir ?

    « Uber n’aurait jamais existé si les taxis s’étaient modernisés. Il faut intégrer les outils numériques, c’est la meilleure façon de se prémunir contre l’arrivée de nouveaux concurrents ».
     
    Cette citation est de Philippe Arraou, président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables français. Elle est reproduite dans un article retentissant, publié la semaine dernière dans Le Monde, sous la plume de Sandrine Cassini, « Le désordre du droit « low cost ».
     
    Les termes du débat commencent à être bien connus. Après Rocket Lawyers aux États-Unis, Rapid sollicitors au Royaume-Uni, les avocats français sont, à leur tour, confrontés à la concurrence de plateformes juridiques lancées par des start up : demanderjustice.com, saisirprudhomme.com, litiges.fr, actioncivile.com, …
     
    S’appuyant sur des banques de données et des modèles d’actes parfois rudimentaires, ces nouveaux acteurs du droit tentent de conquérir un marché que nous avons plus ou moins abandonné : celui du ventre mou, c’est-à-dire de ceux qui ne figurent pas parmi les 20 ou 30 % les plus riches de la population mais qui ne sont pas non plus suffisamment pauvres pour bénéficier de l’aide juridique.
     

  • Recul de civilisation ? Ne jetons pas les droits et libertés avec la peau des terroristes.

    Diminuer le coût de la résolution des conflits est une priorité.

    Notre justice a atteint un niveau de fiabilité remarquable. La multiplication des sources de droit ouvre aux avocats et magistrats un champ presque infini pour rencontrer la diversité des situations individuelles. Il en coûte en prévisibilité et en sécurité mais pas en équité. Celui qui spécule sur des solutions dites constantes pour s’approprier des avantages indus risque toujours de s’en voir privé par l’invocation d’un principe général ou d’une règle de « droit mou » qui vient détruire le château en Espagne qu’il avait malicieusement édifié.

    Le juge a acquis, peu à peu, un véritable rôle de régulateur, individualisant les principes multiples que les législateurs (ils sont nombreux aujourd’hui) avancent, sans toujours être capables de les coordonner, ni même d’ailleurs de les définir de façon univoque, tant ils sont le produit de difficiles compromis. Car il est nécessaire de pouvoir retourner vers les siens en proclamant que l’on a fait triompher son point de vue, tandis qu’en face, d’autres tiennent le même langage mais devant des publics différents.

    Pour une présentation vidéo : http://www.avocatsnet.be/videos/la-justice-belge-est-excellente-mais-est...

    Pour une brève présentation de mes critiques sur la loi Pot-pourri II, cliquez sur le lien

  • Panama leaks : les avocats qui conseillent la fraude fiscale n'ont pas leur place au barreau

    par Pa­trick Henry et Jean-Pierre Buyle

    À chaque saison, ses défilés et ses révélations: les offshores Leaks (2013), les Lux Leaks (2014), les Swiss Leaks (2015), les Panama papers (2016)… et demain sans doute d’autres scalps surgiront de banques de données dérobées dans des officines et autres paradis fiscaux.

    Pour lire la suite : http://www.lecho.be/tablet/newspaper_agora/Les_avocats_qui_conseillent_l...
    ou ci-dessous

  • Sang-froid

    Sang-froid, n°1, Printemps 2016, Paris, Nouveau Monde éditions, 15 € le numéro.

     

    Une nouvelle revue, trimestrielle, consacrée à la Justice, à l’investigation et au polar… Un cocktail original.

    Son emblème : Dame Justice qui jette un œil, sous son bandeau, sur les révélations que contient ce premier numéro…

    Et, il y a effectivement, un peu de tout…

    J’aime bien la nouvelle de Franck Thilliez, « Je préférerais tuer avant la fin du film ». L’histoire d’une vengeance qui se voulait subtile mais qui l’est finalement nettement moins. Une vraie nouvelle. Quand on arrive au bout, on se dit que c’est là que tout va commencer…

    Une enquête sur la disparition de la fortune de Saddam Hussein, une autre sur les cadeaux du colonel Kadhafi à la France.

    Du côté chronique, le portait d’une star de l’antiterrorisme, la juge Laurence Le Vert, ou l’évocation de la chute médiatique d’une star du cinéma muet, Roscoe Arbuckle. Qui se souvient que ce dernier fut l’un des rivaux de Charlie Chaplin ou Buster Keaton, et qu’il fut emporté par le scandale d’une accusation de viol dont il fut pourtant blanchi ? Déjà en 1921, la presse pouvait étouffer des hommes. Pas de fumée sans feu…

  • Défendons-nous ! - Mot du président - 21/04/2016

    Ce n’est pas cette information qui fait scandale à la une des journaux et, il faut bien l’admettre, personne ne s’en étonnera : l’affaire des Panama papers a pris naissance dans ce qui est sans doute la plus grande violation du secret professionnel des avocats de l’histoire... À l’origine, il y a le pillage des données privées qu’un cabinet d’avocats avait, sans doute, insuffisamment protégées.

    Quasi-concomitamment, la Cour de cassation de France valide les écoutes des conversations téléphoniques entre Nicolas Sarkozy, lui-même avocat, et son conseil, Maître Thierry Herzog (elle a cependant le bon goût, le même jour, soit le 22 mars 2016, d’invalider les écoutes des conversations téléphoniques que ce même Thierry Herzog avait eues avec son bâtonnier, Pierre-Olivier Sur[1]).

    Le secret professionnel des avocats s’érode. Et avec lui, c’est notre indépendance et, dès lors, notre raison d’être, qui est en danger. Car sans indépendance, au nom de quoi pourrions-nous encore revendiquer le privilège de parler au nom d’autres femmes et hommes, nos clients, lorsque leurs intérêts les plus fondamentaux sont en péril ?

  • Murmures à la jeunesse

    Murmures à la jeunesse, par Christiane Taubira, Paris, Philippe Rey, 2016, 94 p., 7 €.

     

    « Signes ce que tu éclaires, non ce que tu assombris ».

    Christiane Taubira convoque René Char, comme Victor Hugo, Aimé Césaire, Paul Éluard et Aragon, Nina Simone, Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Jacques Brel, Oum Khalthoum, Georges Brassens, Juliette Greco et Maxime Le Forestier (une fabuleuse tirade, de la page 66 à la page 68), et tant d’autres encore, pour résister à la déchéance de nationalité. Une sorte de front des humanistes éclairés.

    Ils sont là.

    Comment les nommer ? Comment les nommer bien, c’est-à-dire sans qu’un mot mal choisi ajoute du mal au mal ?

    Comment les combattre ? Avec quelles armes ? Comment ne pas commettre à nouveau les erreurs que nous avons déjà commises ? Comment ne pas en commettre d’autres, qui pourraient même être pire ?

    Au pays de Descartes, de Montaigne, de La Boétie, de Simone Weil (autre superbe passage, pages 16 et 17), est né le projet de déchoir de la nationalité française ceux qui auront été condamnés pour actes de terrorisme. Cette proposition a été portée par un président socialiste.

  • Je me souviens... - Mot du président - 07/04/2016

    En ce début de mois d’avril, comme chaque année depuis vingt-neuf ans, nous avons rendu hommage à mon père, le bâtonnier Jacques Henry. Les plus jeunes ne s’en souviennent sans doute pas, le 1er avril 1987, alors qu’il intervenait dans une affaire dite « à risques », les forces de l’ordre laissèrent entrer dans la salle d’audience l’amie d’un des prévenus sans la fouiller. Elle portait une grenade et un revolver. La suite s’imagine facilement. Sous la menace de sa grenade, elle transmit le revolver à son compagnon. Une fusillade s’ensuivit. À la faveur d’une brève accalmie, mon père lança un appel au calme. Il ne fut pas entendu. Quelques secondes plus tard, il gisait, mortellement atteint, aux côtés de celui qui avait été son client.

    Il avait été un grand bâtonnier (moins de deux années plus tôt). Il avait porté haut la défense des mineurs, des droits de l’homme, de la défense. Une grande voix venait de s’éteindre.

    Il n’a pas connu la chute du mur de Berlin, les espoirs et les massacres qu’elle suscita, la patte du diable. Il n’a pas connu la réunification de l’Europe, le génocide du Rwanda, les guerres du Golfe, le 11 septembre 2001, le 11 mars 2004, Yes we can, le printemps arabe, Charlie-Hebdo, le Bataclan, le 22 mars 2016. En aurait-il été surpris ? Sans doute pas. Il me disait que le péril viendrait du Sud, pas de l’Est.

Pages