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Intelligence artificielle : anticiper ou subir ?

« Uber n’aurait jamais existé si les taxis s’étaient modernisés. Il faut intégrer les outils numériques, c’est la meilleure façon de se prémunir contre l’arrivée de nouveaux concurrents ».
 
Cette citation est de Philippe Arraou, président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables français. Elle est reproduite dans un article retentissant, publié la semaine dernière dans Le Monde, sous la plume de Sandrine Cassini, « Le désordre du droit « low cost ».
 
Les termes du débat commencent à être bien connus. Après Rocket Lawyers aux États-Unis, Rapid sollicitors au Royaume-Uni, les avocats français sont, à leur tour, confrontés à la concurrence de plateformes juridiques lancées par des start up : demanderjustice.com, saisirprudhomme.com, litiges.fr, actioncivile.com, …
 
S’appuyant sur des banques de données et des modèles d’actes parfois rudimentaires, ces nouveaux acteurs du droit tentent de conquérir un marché que nous avons plus ou moins abandonné : celui du ventre mou, c’est-à-dire de ceux qui ne figurent pas parmi les 20 ou 30 % les plus riches de la population mais qui ne sont pas non plus suffisamment pauvres pour bénéficier de l’aide juridique.
 
Tente ainsi d’émerger un modèle de droit « low cost », qui est aussi « low déontologie » et « low garanties ». Exit le secret professionnel. Exit la prohibition des conflits d’intérêts. Exit le principe de loyauté…
 
Plus que notre profession, c’est donc un modèle de justice, un modèle de résolution des conflits, qui est en jeu.
 
Subir ou anticiper ?
 
Sous l’impulsion de Jean-François Henrotte, le groupe de travail « l’avocat augmenté », constitué dans la perspective du congrès #Agissons du 29 mai 2015, a poursuivi la voie qu’il s’était tracée à l’occasion de ce congrès : examiner la possibilité de mutualiser un produit d’intelligence artificielle performant, qui pourrait être mis à la disposition des seuls avocats belges (ou, si l’O.V.B. décidait de ne pas s’associer au projet, des seuls avocats francophones et germanophones de Belgique).
 
Et un projet concret, d’un coût très abordable, a pu être proposé à l’assemblée générale d’AVOCATS.BE, le 25 avril dernier. La proposition est maintenant à l’examen dans les différents conseils de l’Ordre, avant de faire l’objet d’un vote en assemblée générale, soit en mai, soit en juin.
 
L’enjeu est exceptionnel. Il s’agit de déterminer si nos Ordres sont prêts à s’associer avec une équipe d’informaticiens pour développer une banque de données qui serait capable de traiter la législation et l’intégralité des décisions prononcées dans notre pays (et plus seulement une infime sélection), de les analyser au regard d’une question précise, ouverte (ce que nous appelons souvent un casus), et de nous fournir une réponse pertinente par rapport à la stratégie à adopter dans le cadre de ce litige concret. Il s’agit, aussi, par exemple, de disposer de modèles d’actes et de clauses validées au regard de la jurisprudence, afin de préparer automatiquement un premier projet de convention, voire, à terme, d’acte de procédure.
 
Le but n’est pas de nous faire remplacer par la machine, évidemment, mais de nous l’approprier pour nous permettre, sur la base de son travail de pré-mâchage, d’être plus efficace, d’ajouter notre valeur ajoutée à son produit automatisé et d’ainsi être à même d’offrir des services plus qualifiés qu’auparavant à un prix de revient nettement inférieur.
 
Invité sur La Première, ce samedi 30 avril 2016, Marc Raisière, nouveau CEO de Belfius, s’exprimant au sujet de la politique informatique de son entreprise, disait :
 
« Soit nous anticipons, soit nous subissons.
Et ceux qui subissent perdent toujours
 ».
 
Alors, cessons de nous jucher dans les doutes et…
 
#Agissons.

Patrick Henry