Prête-moi ta plume

  • Cobre, de Michel Claise

    Cobre, par Michel Claise, Bruxelles, Genèse éditions, 2019, 232 pages, 13,95 euros.

    Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront jamais le printemps.

    Cette citation de Pablo Neruda est un de mes mantras.

    Elle semble l’être aussi pour Michel Claise.

    Il l’explique, dans la postface de cet ouvrage, de façon moins poétique mais bien argumentée.

    C’est le triste exemple du renversement d’un gouvernement démocratiquement élu par une junte militaire qui s’installe au pouvoir, supprime les libertés individuelles, impose la censure de la presse, ordonne la pratique des tortures, l’élimination physique des opposants sous le regard aussi réprobateur qu’impuissant d’une communauté internationale choquée et laxiste. Mais aussi de l’intervention d’une superpuissance qui va pousser à la déstabilisation préalable du pays et à la corruption des militaires pour les mener au pouvoir, parce que les intérêts économiques de leurs entreprises sont menacés. Jimmy Carter s’est excusé. Cela n’a pas empêché Georges Bush Junior d’inventer l’existence d’armes chimiques en Irak pour envahir ce pays, ouvrant une boîte de Pandore dont nous supportons encore aujourd’hui les tragiques conséquences. Et tout cela pour quoi ? Pour développer les intérêts de l’industrie américaine du pétrole et de l’armement…

  • Le dictionnaire ludique & érudit du confinement, par Alain Zenner

    Le dictionnaire ludique & érudit du confinement, par Alain Zenner, Waterloo, Luc Pire, 2020, 478 pages, 26 euros.

    Gymnastes : « Il refuse de serrer la main de son collègue : un trapéziste se tue ».

    Cette petite définition, empruntée à Julie Huon, illustre le côté ludique du dictionnaire du confinement que notre confrère Alain Zenner a composé pendant qu’il était contraint à la solitude. Il y a aussi une face érudite. Ecoutons Alexis de Tocqueville, réinterprété par Hippolyte Wouters, nous parler de la démocratie :

  • Kipjiru, 42... 195, par Jean-Marc Rigaux

    Kipjiru 42… 195, par Jean-Marc Rigaux, Murmure des soirs, 2020, 420 pages, 22 euros.

    Je me rendais compte à quel point l’Europe ne supporte pas la brutalité. Les baptêmes d’étudiants sont encadrés. Les délinquants sont dressés au moutonnage carcéral. Il faut éteindre les guerres. La religion doit être douce, apporter la paix.

    Nous sommes devenus des peuples de vacanciers. Ahuris par les 7 janvier et 13 novembre 2015 à Paris, le 22 mars 2016 à Bruxelles.

    Bien que l’on se doute que cette férocité se tapit encore chez ceux que nous ne croyons pas entrés dans la civilisation, nous pensons que notre évangélisation humaniste triomphera de tout.

    On envoie des « missi dominici » bienveillants.

    Ma vie a été consacrée à cette vocation. Avocat en province pour sauver les petites frappes. Avocat sans frontières pour défendre les génocidaires. Diplomate international pour apaiser les conflits. Un pompier avec un seau d’eau.

    Après trois beaux recueils de nouvelles, Jean-Marc Rigaux a fait le grand saut et nous offre un premier roman atypique. Une sorte de thriller philosophique et hybride.

    Cela commence dans les alcôves des fédérations sportives internationales, ici celle de l’athlétisme. Cela se termine dans les profondeurs de l’Afrique.

    Le lien entre ces deux mondes ? La course bien sûr, et la plus belle d’entre elles, le marathon. 42 kilomètres, 195 mètres. 

  • Cent rimes & raisons, par Hippolyte Wouters

    Cent rimes & raisons, par Hippolyte Wouters, Bruxelles, L’Éventail, 2020, 80 pages, 25 euros.

    On parlait de « râteau » pour une homme éconduit,

    De nos jours, lorsqu’il l’est on parle de délit.

    « Je dis qu’il faudrait être … superficiel et léger », chantait France Gall sur l’une des dernières compositions de Michel Berger.

    Vous êtes toujours à la recherche d’un cadeau de Noël, agréable, distrayant, fin, amusant ?

    Ne cherchez plus. Hippolyte Wouters l’a écrit pour vous. Cent aphorismes en alexandrins, qui butinent des choses de l’amour à celles de la vie en passant, aussi, par celles de la politique.

    Faire espérer le peuple et ne pas trop en faire :

    Toute autre politique est un peu suicidaire.

    https://latribune.avocats.be/cent-rimes-raisons-par-hippolyte-wouters/

  • Le rêve de Harry, par Alain Berenboom

    Le rêve de Harry, par Alain Berenboom, Bruxelles, Genèse éditions, 2020, 248 pages, 22,5 euros.

    - Si Dieu existe, pourquoi diable s’encombre-t-il de ce régiment de malades mentaux qui vont finir pas détourner de Lui les vrais croyants ?

    Malgudi éclate de rire.

    - Ta réaction est typique d’un sans-Dieu…

    Un livre d’Alain Berenboom c’est un peu comme un film de Woody Allen. Il y a une histoire légère, amusante. Et puis, subitement, au détour d’une scène qui paraissait anodine, il y a une de ces phrases quasi-définitive qui vous laisse face à vous-même.

    https://latribune.avocats.be/le-reve-de-harry-par-alain-berenboom/

  • Tais-toi, par Anne Gruwez

    Tais-toi, par Anne Gruwez, Bruxelles, Racine, 2020, 208 pages, 20 euros.

    Je me suis toujours étonnée, quand je participe à une réunion ou à des débats sur les prisons, de ne pas y rencontrer un (ancien) détenu, celui qui en a pris pour dix ans, par exemple, et qui connaît les mécanismes de concertation en place entre les prisonniers et la direction, ou un chef de quartier, qui connaît la vie dans son pénitencier. Il semble que pour parler des prisons, le vécu n’apporte rien au débat … un peu comme si un journal des acheteurs ne laissait aucune place à la rubrique des consommateurs… C’est virtuel !

    Bon, se taire, ce n’est pas le point fort d’Anne Gruwez, la juge d’instruction en deuche, devenue célèbre par ses coups de gueule et, particulièrement, par sa participation remarquée au film non moins remarqué de Jean Libon et Yves Hinand, Ni juge, ni soumise.

    https://latribune.avocats.be/tais-toi-par-anne-gruwez/

  • Lettre à une jeune pénaliste, par Bruno Dayez

    Lettre à une jeune pénaliste, par Bruno  Dayez, Bruxelles, Samsa, 2020, 46 pages, 8 euros.

    Oui, tu plaides la plupart du temps dans le désert, mais pas toujours, et le vent porte loin. Tu transmets en fait une parole qui ne s’est jamais tue et qui continuera d’être dite dans tous les tribunaux. Qu’elle soit minoritaire ne doit pas t’ébranler ni émousser tes convictions. Tu as foi en l’humain et ta défense ne s’arrête pas à « la veuve et l’orphelin » de l’expression traditionnelle ; elle embrasse l’ensemble de notre condition faillible dont d’innombrables spécimens chutent un jour ou l’autre, en raison de la dureté de leur vie la plupart du temps. Tu éprouveras à travers eux ta propre vulnérabilité et seras souvent saisie de ton étroite parenté avec ceux que la justice prétend châtier comme ils le méritent. Et tu seras saisie d’effroi à l’idée que ç’aurait pu être toi, seuls les hasards de la vie en ayant décidé autrement. Quelquefois même, tu appréhenderas la peine à laquelle ton client est condamné comme si tu devais la subir dans ta propre chair. Des jugements qui t’auront semblé trop sévères te hanteront. Pas un matin ne se lèvera sans que tu n’aies une pensée pour tel ou tel client qui tue le temps dans sa cellule bien que tu aies bataillé ferme pour que cela n’advienne pas.

  • L'or du temps, par François Sureau

    L’or du temps, par François  Sureau, Paris, Gallimard, 2020, 850 pages, 27,5 euros.

    Si la civilisation est un vernis, le Conseil d’État est donc le vernis de ce vernis. Les meilleurs de ses membres connaissent sa fragilité. Ils tiennent à distance le sexe et les drames, la gaité aussi. Ils y parviennent alors même que leur palais est tout hanté d’ombres maléfiques… On croit au Conseil d’État que les opinions, du moins celles qui ne sont pas des ornements de la conversation mais peuvent disposer à l’action, sont dangereuses[1]. Un État qui, à l’instar de ses serviteurs les mieux nés, n’en aurait pas, serait le plus sûr instrument du bonheur des peuples. C’est pourquoi la jurisprudence administrative lime les dents de toute politique, par peur des catastrophes.

    François Sureau est donc devenu immortel la semaine dernière. Il  a rejoint sous la coupole de l’Académie française son (et notre) confrère Jean-Denis Bredin.

    L’or du temps est-il, en quelque sorte, sa postulation ?

  • L'Amérique en procès - Un avocat contre la justice d'Etat, par Seth Tobocman

    L’Amérique en procès – Léonard Weinglass, un avocat contra la justice d’État, par Seth Tobocman, Toulouse, Éditions Ici-bas, 2020, 224 p., 27 €.

    Dans quelles circonstances est-il justifié d’enfreindre la loi ?

    Je vois 3 critères : D’abord existait-il une menace claire et imminente ? Le 24 novembre 1986, des gens mouraient du fait des crimes de la CIA. Ensuite, l’action visait-elle à atténuer un préjudice ? Comme le déclaré le docteur Ellsberg, la contestation est le moyen par lequel le public a corrigé des injustices au cours de notre histoire. Enfin, existait-il une autre option sur le plan juridique ? Des témoins ont affirmé que le Congrès n’était pas maître de la CIA.

    Je pense que vous jugerez que les actions de ces étudiants se fondaient sur la nécessité et, ce faisant, vous les aiderez à rendre notre pays meilleur et notre avenir plus sûr.

  • Juliette ou le paradis perdu, par Anne Gruwez

    « Sous le cerisier du champ d’avoine, elle lui dit les vilénies du fermier qui l’emploie, qui l’emploie à tout d’ailleurs. Il écoute, horrifié. Il découvre une Juliette souillée par une brute. Il est en rage. Et c’est elle qu’il frappe. Et c’est d’elle qu’il soulève les jupes pour la prendre violemment. Puis, épuisé, il s’affaisse et pleure la tête dans les cheveux en lui demandant pardon. Il a honte lorsqu’elle murmure « Je savais que cela arriverait. C’est fait ». Elle sourit. »

    Via le site auvio, la RTBF nous offre une série de petits polars, sous la forme de podcasts publiés sous le titre générique Noir jaune rouge – Belgian crime story. Il s’agit, à chaque fois, de nous présenter, sous une forme un peu romancée, un crime qui défraya la chronique au siècle dernier.

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