Prête-moi ta plume

  • 5 meurtres, comme une œuvre pieuse

    5 meurtres, comme une œuvre pieuse, par René Swennen, Paris, L'Harmattan, 2016, 116 p., 12,5 €.

    "Ce qu'est la tyrannie ? C'est l'État de droit, avvocato...

    Donc, je me suis liée avec cet homme d'affaires qui prônait le rétablissement de l'État de droit en Sicile, c'est-à-dire le droit pour un patron, lui en l'occurrence, de licencier en toute légalité trois cent personnes dans une entreprise bénéficiaire afin de délocaliser l'usine en Pologne et d'augmenter encore les bénéfices.

  • Sang-froid

    Sang-froid, n°1, Printemps 2016, Paris, Nouveau Monde éditions, 15 € le numéro.

     

    Une nouvelle revue, trimestrielle, consacrée à la Justice, à l’investigation et au polar… Un cocktail original.

    Son emblème : Dame Justice qui jette un œil, sous son bandeau, sur les révélations que contient ce premier numéro…

    Et, il y a effectivement, un peu de tout…

    J’aime bien la nouvelle de Franck Thilliez, « Je préférerais tuer avant la fin du film ». L’histoire d’une vengeance qui se voulait subtile mais qui l’est finalement nettement moins. Une vraie nouvelle. Quand on arrive au bout, on se dit que c’est là que tout va commencer…

    Une enquête sur la disparition de la fortune de Saddam Hussein, une autre sur les cadeaux du colonel Kadhafi à la France.

    Du côté chronique, le portait d’une star de l’antiterrorisme, la juge Laurence Le Vert, ou l’évocation de la chute médiatique d’une star du cinéma muet, Roscoe Arbuckle. Qui se souvient que ce dernier fut l’un des rivaux de Charlie Chaplin ou Buster Keaton, et qu’il fut emporté par le scandale d’une accusation de viol dont il fut pourtant blanchi ? Déjà en 1921, la presse pouvait étouffer des hommes. Pas de fumée sans feu…

  • Murmures à la jeunesse

    Murmures à la jeunesse, par Christiane Taubira, Paris, Philippe Rey, 2016, 94 p., 7 €.

     

    « Signes ce que tu éclaires, non ce que tu assombris ».

    Christiane Taubira convoque René Char, comme Victor Hugo, Aimé Césaire, Paul Éluard et Aragon, Nina Simone, Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Jacques Brel, Oum Khalthoum, Georges Brassens, Juliette Greco et Maxime Le Forestier (une fabuleuse tirade, de la page 66 à la page 68), et tant d’autres encore, pour résister à la déchéance de nationalité. Une sorte de front des humanistes éclairés.

    Ils sont là.

    Comment les nommer ? Comment les nommer bien, c’est-à-dire sans qu’un mot mal choisi ajoute du mal au mal ?

    Comment les combattre ? Avec quelles armes ? Comment ne pas commettre à nouveau les erreurs que nous avons déjà commises ? Comment ne pas en commettre d’autres, qui pourraient même être pire ?

    Au pays de Descartes, de Montaigne, de La Boétie, de Simone Weil (autre superbe passage, pages 16 et 17), est né le projet de déchoir de la nationalité française ceux qui auront été condamnés pour actes de terrorisme. Cette proposition a été portée par un président socialiste.

  • D'une femme inconnue...

    D’une femme inconnue …, par Patrice Haffner, Paris, L’Harmattan, 2014, 224 p., 21€.

     

    « Il y a un principe, Martin, important. L’avocat ne doit pas questionner un client au-delà de ce qu’il veut lui dire. C’est le seul moyen pour qu’il puisse bien le défendre, et que le client ait confiance en lui. On doit foutre la paix au client, Martin, sauf s’il dit des énormités. Ne pas l’obliger à vous dire des secrets qu’il regrettera ensuite et vous demandera de cacher, ce qui n’est pas possible. Donc on accepte de le défendre tel qu’il présente sa défense ou on ne le défend pas. L’avocat assiste son client, Marti, il ne le représente pas. Il n’est pas obligé d’avaliser tout ce qu’il dit. C’est comme ça depuis les Romains… ».

    Non, ce n’est pas l’avocat de la mère qu’il recherche, patiemment, obstinément, impatiemment, qui pourra la lui dire, à Martin, cette insaisissable vérité.

    C’est l’histoire d’une quête et d’une enquête.

    Martin est né, vingt ans plus tôt, « sous x ». Ses parents adoptifs le lui ont révélé quand il avait 14 ans. Ils sont morts tous les deux. D’abord elle, et puis lui, tout récemment, dans des circonstances intrigantes, assez en tout cas pour éveiller des soupçons. Empoisonnement ? Mais qui aurait souhaité abréger la vie d’un homme qui était déjà sur son lit de mort ?

  • Porter leur voix, par Laure Heinich

    Porter leur voix, par Laure Heinich, Paris, Fayard, 2014, 300 p., 22,45 €.

     

    "On naît une première fois, et, pour les chanceux, on naît une seconde fois quand on devient avocat. On assiste à la naissance de soi. Pas en un jour, en de nombreux mois. Et pourtant on naît comme on avoue, brutalement, dans un coup de tonnerre. Un coup de foudre.

    On naît à sa première affaire ".

  • Ping-pong

    Ping-pong, Éric Therer vs Benjamin Monti, Liège, Eastern Belgium at night éd., 2015, 40 p., 8 €[1].

     

    "Attendu que, tout en admettant la matérialité des faits, l'arrêt attaqué, sans avoir égard aux circonstances particulières dans lesquelles ils s'étaient manifestés, a relaxé les prévenus, au motif que les parties sexuelles de la jeune femme étaient cachées par un slip en monokini suffisamment opaque et que Claudine X n'avait pris aucune attitude ni affecté aucun geste lascif ou obscène ;

    Mais attendu qu'en refusant de faire application de l'article 330 aux faits poursuivis qui s'analysent en une exhibition provocante de nature à offenser la pudeur publique et à blesser le sentiment moral de ceux qui ont pu en être les témoins, la cour d'appel a violé les textes ci-dessus visés;

    Par ces motifs, casse et annule, mais seulement dans l'intérêt de la loi, et sans renvoi, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 janvier 1965".

    Fausse application de la loi ? L'appréciation de la cour d'Aix-en-Provence ne gisait-elle pas en fait ? N'est-ce point la Cour de cassation, transportée par ses émotions, qui aurait outrepassé ses prérogatives ?

  • Où va la Justice ?, par Bruno Dayez

    Où va la Justice ?, par Bruno Dayez, La Charte, collection « La clé des gens », Bruxelles, 2016, 304 pages

     

    « Dans la version officielle du droit, nous sommes des « auxiliaires de justice ». En réalité, nous en sommes l’accessoire ! Plusieurs raisons « structurelles » expliquent cet état de choses. La première tient au statut de l’avocat, car ce statut recèle, en soi, une ambiguïté fondamentale : sommes-nous là pour servir la justice ou pour la contrecarrer ? Pour cautionner le système ou pour le saborder ? Pour défendre les intérêts particuliers d’un prévenu ou apporter notre concours à l’entreprise de juger, laquelle ne doit viser que l’intérêt général ? En un mot, sommes-nous la goutte d’huile ou le grain de sable ? ».

    Notre confrère Bruno Dayez a réuni en un beau volume les chroniques qu’il publie régulièrement dans Le Soir, La Libre Belgique, Le Vif-L’Express, Le Journal des Tribunaux, Le Journal des procès,…, et par lesquelles il nous livre ses réflexions sur l’évolution de notre justice pénale.

    Pour ou contre la Cour d’assises ? Lui est contre, résolument contre, ne voyant qu’une fiction dans l’image du jury populaire, soi-disant émanation du peuple, qui pourrait, pour cette raison, être affranchi de toutes les obligations et garanties liées à la fonction de juger.

  • Un instant appuyé contre le vent, par Lionel Jung-Allégret

    Un instant appuyé contre le vent, par Lionel Jung-Allégret, Tulle, Al Manar, 2014, 78 pages, 18 €.

     

    Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
    Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
    Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
    Berçant notre infini sur le fini des mers…

    Brillante variation sur Le voyage de Charles Baudelaire, Un instant appuyé contre le vent, long poème en prose de notre confrère parisien Lionel Jung-Allégret, troisième volet d’une trilogie inaugurée par Écorces et continuée par Parallaxes, pose un regard désenchanté sur le parcours de nos vies.

    Richement illustré par les encres de Jean Anguera, il nous accueille au cri initial pour nous mener jusqu’au souffle final. Pour quoi ?

    « Avancer

     

    lèvres ouvertes

    à même les lèvres de la terre,

     

    Avancer

    vers ce qui se tait.

     

    Dans le désordre étincelant et sans cesse incertain de chaque jour ».

     

    Le désenchantement d’un monde sans transfiguration, sans transcendance, sans transe. Où nous sommes seulement hommes, rien qu’hommes. Sur terre. Pour un instant. Avec le vent qui siffle.

     

    « Et s’il fallait avancer ainsi.

     

    Fièrement,

  • Marie-Neige, Anna et quelques autres…, par Michel Westrade et Jean-François Van Haelmeersch

    Marie-Neige, Anna et quelques autres…, par Michel Westrade et Jean-François Van Haelmeersch, Tournai, 2014-2015, 6 petits volumes réunis en un coffret, 282 pages, 70 €[1].

     

    … Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre …

    Qui sont ces femmes que Michel Westrade recherche, comme s’il voulait en exorciser le souvenir ? Marie-Neige, Marie, Sarah, Anna…

    Il y a celle qui n’a pas vécu, qui aurait pu être sa grande sœur, qu’il recherche dans les caves d’un Palais de justice, dans les pages jaunies de vieux registres d’état civil.

    Il y a celle qui a dit « oui » à un ange, devenant par là-même la mère de tous.

    Il y a celle qui est morte dans ses bras, peut-être par sa faute, et son reflet, dont on a retrouvé un matin le corps sur la plage, rejeté par la marée.

    Il y a l’amante perdue, qu’il recherche dans les forêts et campagnes d’Ombrie en suivant les chemins qui ne mènent pas à l’oratoire Notre-Dame des Grâces.

    Il y a la mère qu’il n’a pas connue, morte trop tôt, morte en secret, morte mystérieusement, dans le silence de l’omerta.

  • Les grands procès de l'histoire - De l’affaire Troppmann au procès d’Outreau, par Emmanuel Pierrat

    Les grands procès de l’histoire – De l’affaire Troppmann au procès d’Outreau, par Emmanuel Pierrat, Editions de la Martinière, 2015, 176 pages, 39,90€.

     

    Vincent de Moro Giafferi se lève. « Vous accusez mon client de dix crimes. Mais, monsieur l’avocat général, vous ne nous présentez aucun corps. D’ailleurs, l’une des prétendues victimes a été retrouvée. Elle va entrer dans cette salle ».

    Stupeur. Silence. Des centaines d’yeux se braquent sur la porte d’entrée de la Cour d’assises. Rien ne bouge. Moro Giafferi triomphe. « Vous voyez : vous y avez tous cru. Tous vous avez regardé cette porte. C’est la preuve que vous n’êtes pas certains de la culpabilité de Landru ».

    Et l’avocat général de répondre : « Oui Maître, tous nous avons regardé cette porte. Tous, sauf un. Landru lui-même ».

    Extraordinaire passe d’armes (je veux dire « de mots ») !

    Emmanuel Pierrat, le brillant avocat parisien qui est aussi le principal fournisseur de cette chronique, fait revivre dix-huit grands procès. Défilent Dreyfus, Violette Nozière, Stavisky, Brasillach, le docteur Petiot, Dominici, Marie Besnard, Goldman, le petit Grégory, Omar Raddad, Maurice Papon,… Et une série de grands avocats : Labori, Isorni, Floriot, Pollak, Tixier-Vignancour, Damien, Halimi, Lévy, Badinter, Leclerc, Vergès, Varaut, Klarsfeld, Dupond-Moretti, et tant d’autres.

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