Prête-moi ta plume

  • Grandes plaidoiries et grands procès. L’art de l’éloquence depuis le XVe siècle

    Grandes plaidoiries et grands procès. L’art de l’éloquence depuis le XVe siècle, Nicolas Corato (sous la direction de), Prisma-Heredium, 3e édition, 2016, 540 pages, 39,90 euros.

    « Le juge est une sentinelle qui ne doit pas laisser passer la frontière ».

    Cette phrase, extraite d’un réquisitoire d’Ernest Pinard, prend une singulière résonnance aujourd’hui alors que des ministres n’hésitent pas à appeler des juges à refuser l’accès à notre territoire aux réfugiés qui tentent d’échapper à la guerre, aux persécutions et à la misère.

    C’est pourtant dans un tout autre contexte qu’elle a été prononcée. Le procureur Ernest Pinard requérait la condamnation de Charles Baudelaire (et de ses éditeurs) pour outrage public aux bonnes mœurs. Le procès des Fleurs du mal. Maître Chaix d’Est-Ange est à la défense mais il ne pourra éviter que Baudelaire soit condamné à une amende de 300 francs et que quelques-uns de ses poèmes (dont le somptueux Les bijoux) soient interdits de publication. Cette interdiction ne sera levée qu’en 1949, après la cassation de l’arrêt, quatre-vingts ans plus tard.

    Pinard avait le nez fin puisqu’il poursuivit aussi Flaubert pour Madame Bovary. Mais, dans ce cas, la somptueuse plaidoirie de Maître Marie-Antoine-Jules Senard lui fit échec.

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  • Défendre - Paul Lombard, Conversations avec François Dessy

    Défendre – Paul Lombard, Conversations avec François Dessy, éditions du Panthéon, 2017, 310 p., 20,90€.

    « Trois bruits terrifiants. Le premier, sec et froid : l’installation du corps en bonne position. Le second semblable à celui d’une hache : le couperet. Le troisième : celui d’un seau d’eau jeté sur la guillotine pour empêcher le sang de cailler. Tant que la peine de mort existera dans le monde, toute l’eau de la mer ne suffira pas à laver la honte des hommes. Le président de la cour d’assises, le procureur général, désertant leur honte, comme ils n’en avaient pas rigoureusement le devoir, n’osèrent pas regarder mourir leur victime… Ils furent remplacés par le juge Michel : Ce sera votre honneur d’avoir défendu Ranucci, me chuchote-t-il – Ce sera ma douleur, Monsieur le juge ».

    Avec Paul Lombard, l’un des derniers monstres sacrés du barreau français, l’un des derniers avocats français à avoir vu un de ses clients décapités par la Veuve sanglante, et après Jacques Vergès et Roland Dumas, François Dessy poursuit ses entretiens avec les ténors du barreau français.

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  • Le problème de l'existence de Dieu et autres sources de conflits de valeur, par Lucien François

    Le problème de l'existence de Dieu et autres sources de conflits de valeurs, par Lucien François, Académie royale de Belgique, 2017, 144 p., 7 €,

    « Justice et vérité sont des notions si familières à notre esprit que nous les utilisons couramment sans éprouver le besoin de vérifier si nous les concevons avec netteté. Mais, pour un examen sérieux, il est indispensable d'y regarder de plus près qu'avec les yeux de l'habitude. Aussi dois-je employer une grande partie de ce travail à distinguer de la justice et de la vérité elles-mêmes les soucis de justice ou de vérité, qui sont bien autre chose, tout en étant par ailleurs extrêmement proches l'un de l'autre ,,, ».

    Lucien François nous livre, dans cet ouvrage, quatre examens microscopiques de questions taraudantes : l'existence de Dieu, cours de morale laïque ou cours laïque de morale, droit et révolution, justice et vérité.

  • Pour la liberté, par François Sureau

    Pour la liberté, par François Sureau, Tallandier, 2017, 80 p., 7,90€.

     

    « Le système des droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. Rien ne justifie de suspendre de manière permanente les droits du citoyen. Cela n’apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Cela lui procure au contraire une victoire sans combat, en montrant à quel point nos principes étaient fragiles ».

    François Sureau n’est pas seulement le brillant écrivain dont je vous ai déjà commenté plusieurs ouvrages[1], il est aussi avocat au Conseil d’état et à la Cour de cassation de France. Et en cette qualité, il a été amené à plaider à trois reprises devant le Conseil constitutionnel, en qualité de conseil de la Ligue des droits de l’homme, pour contester, chaque fois avec succès, des lois liberticides adoptées à la hâte par un gouvernement socialiste affolé par une menace terroriste qui lui fit perdre tous ses repères (voire toute son essence). Nous savons que cela ne lui a pas valu du bien …

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  • Les avocats, par Piero Calamandrei

    Les avocats, par Piero Calamandrei, Editions de la revue Conférence, 2017, 38 p., 19 €.

    « Mais les avocats de Chiapelli sont plus proches de la vie quotidienne et visible : ce sont les avocats de notre société en liquidation, les avocats d’une bourgeoisie qui se défait. Regardez avec quelle négligence ils portent la toge ; il n’y en a pas un qui la tienne fermée, scellée par le rabat comme le voudrait le style ; ils n’ont pas connu l’époque où le président aurait chassé de la salle le défenseur malappris qui eût laissé voir par l’entrebâillement de la toge une veste de couleur claire, ou l’eût interrompu, si dans le feu de sa harangue la toge s’était ouverte, pour lui dire sévèrement : « Monsieur, arrangez-vous un peu. » Et voici au contraire ici, animés et bavards, les avocats mal fagotés de notre temps : débraillés et négligés, avec des vestes écossaises et des gilets fantaisie débordant sans pudeur de leur défroque noire abandonnée sur les épaules et prête à glisser. Ce ne sont pas les avocats cruels définitivement stylisés par Daumier ; ce sont des gens sans façons, plus commun mais plus proches de nous … ».

  • De l'ardeur. Histoire de Razan Zaitouneh, avocat syrienne, par Justine Augier

    De l’ardeur. Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne, par Justine Augier, Actes Sud, 2017, 320 p., 21,80 €.

    « Quiconque s’est levé contre les violations commises par le régime, avant même le début de la révolution, doit faire la même chose quant aux violations commises dans nos prisons. Nous n’accepterons pas l’injustice, ne revêtirons pas le même vêtement de déshonneur, ni ne construirons notre pays sur des montagnes de crânes. Nous allons le faire sur des bases saines, chacun devra répondre de ses actes et la vengeance véritable se trouve dans la bonne mise en œuvre de la justice ».

    C’est l’histoire d’une opposante, d’une défenseuse des droits de l’homme, d’une femme, d’une héroïne, d’une surfemme, d’une martyre, d’une avocate.

    Razan Zaitouneh a disparu le 9 décembre 2013, sans doute enlevée par les hommes d’une faction opposante syrienne rivale (Islam Alloush, selon toute vraisemblance), sans doute exécutée, avec trois de ses compagne et compagnons, car il aura fallu faire disparaître toute trace d’une bavure impardonnable.

  • Témoins à charge, par Jean-Michel Lambert

    Témoins à charge, par Jean-Michel Lambert, De Borée, Marge noire, 2017, 346 p., 19,90 €.

    « Maintenant, tu sais tout. J’ai trahi tous les idéaux et valeurs auxquels j’étais attaché. J’espère que tu penseras à moi quand tu te battras pour aller au-delà des apparences et vérités judiciaires. Adieu ».

    « Madame Bovary, c’est moi ».

    Est-ce bien le bâtonnier Paul Luguaire, associé de Guillaume Tirel, avocat pénaliste manceau dans la force de l’âge, qui prononce ces paroles définitives ? N’est-ce pas plutôt Jean-Michel Lambert lui-même ?

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  • L'intérêt de l'enfant, par Ian McEwan

    L’intérêt de l’enfant, par Ian McEwan, Gallimard, 2015, réédité dans la collection folio, 2017, 238 p., 7,2 €.

    « D’accord. Une rixe entre adultes consentants. A quoi bon remplir les prisons de types comme eux ? Gallagher a donné deux coups de poing sans conséquence et lancé une canette de bière. Deux ans et demi de détention. La mention « coups et blessures volontaires » portée sur son casier judiciaire, pour des délits dont personne ne l’a accusé. Ils l’envoient dans cette unité pour jeunes délinquants, tu sais, dans la prison de Belmarsh. Je suis allé là-bas plusieurs fois. D’après leur site web, il y a une « centre de formation ». Foutaise ! J’ai eu des clients enfermés dans leur cellule vingt-trois heures sur vingt-quatre. Chaque semaine, des cours sont annulés. Manque de personnel, disent-ils. Ce Cranham avec son air faussement las, qui se prétend trop irritable pour écouter qui que ce soit. Qu’est-ce qu’il en a à faire du sort de ces garçons ? Jetés dans des pourrissoirs où ils s’aigrissent, deviennent de vrais délinquants … ».

  • Les francs-maçons sous l'occupation, par Emmanuel Pierrat

    Les francs-maçons sous l’occupation, entre résistance et collaboration, par Emmanuel Pierrat, Albin-Michel, 2016, 365 p., 24,70 €.

    « Monsieur le Bâtonnier,

    Je suis appelé. Je vais probablement mourir. Je suis venu ici comme avocat. Je mourrai, j’espère dignement, pour ma Patrie, ma Foi et mon Ordre.

    Dites à mes confrères que je les remercie des honneurs qui ont accompagné ma vie professionnelle.

    J’en emporte une juste fierté.

    Je vous recommande mon fils.

    Je finirai en soldat de la France et du droit que j’ai toujours été ».

    Pierre Masse était sénateur, avocat, fils d’avocat, petit-fils de bâtonnier. Son frère est mort au champ d’honneur en 1916, comme son gendre et son neveu, en 1940.

    Mais il était aussi juif. Il est mort à Auschwitz, après avoir été arrêté le 21 août 1941, dans une des rafles qui précédèrent celle, tristement célèbre, du Vel d’hiv’.

    C’est du camp de Drancy qu’il écrit cette dernière lettre. Il mourra debout, comme combien de ses compatriotes.

    Emmanuel Pierrat nous livre son portrait, son histoire, ainsi que celles de dix autres acteurs de cette horrible guerre. Ils sont tous liés à la franc-maçonnerie, soit qu’ils la combattirent, soit qu’ils la servirent. Les régimes nazi et vichyste tentèrent en effet de l’éradiquer. Il leur fallait abattre le « complot judéo-maçonnique » …

  • Crime d'innocence, par Antoinette Chahine

    Crime d’innocence, par Antoinette Chahine, Editions Dar An-Nahar, 2007, 136 p., 13€.

     

    « Je livre ce témoignage comme une goutte d’eau à la mer. Puisse-t-il donner courage à ceux qui n’espèrent plus. Puisse-t-il servir à changer les mentalités dénaturées dans ce pays que la guerre broie encore en sourdine, où l’on frappe pour un oui, pour un non, où l’on torture encore en secret, où l’intolérance n’a pas encore fini de faire ses ravages. Puisse-t-il permettre à mes enfants Joya et Rawad de vivre des jours meilleurs. Les souffrances de leur mère en seraient merveilleusement justifiées ».

    1994. Antoinette Chahine a 22 ans. Elle est étudiante en droit à l’Université de Beyrouth. Elle est la benjamine d’une famille chrétienne qui comprend huit enfants. Ils vivent à Kfarhabida, un petit village au nord de Beyrouth. Son frère Michel, de vingt et un ans son aîné, a été tué quelques années plus tôt. Il était gendarme. Depuis, bien sûr, ses frères Antoine et Jean militent au sein de leur communauté, dans un pays où la guerre n’a de cesse. Les accords de Taëf ont impliqué la dissolution des milices. Jean est donc devenu hors-la-loi. Il s’est exilé en Australie.

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