Prête-moi ta plume

  • Pourquoi libérer Dutroux ? par Bruno Dayez

    Pourquoi libérer Dutroux ? par Bruno Dayez, Ed. Samsa, 116 p,, 16 €,

    « Si nous continuons avec la même obstination à envoyer des hommes et des femmes en prison en refusant de voir ce qu'il en advient et qu'on les y laisse dépérir lentement mais sûrement, nous faisons preuve d'un aveuglement collectif qui engendre une bonne partie des maux dont nous disons pâtir. Qu'espérons-nous tirer comme véritable avantage du maintien en activité de ces lieux occultes où des milliers de personnes en sont réduites à l'état d'objet, complètement dépourvues de la plus petite possibilité d'agir sur leur propre destin ? La récidive que le public semble appréhender par-dessus tout, c'est le système carcéral qui la provoque en bonne partie. La condition pénitentiaire est à ce point aux antipodes de ce qu'est une existence authentiquement humaine qu'elle compromet durablement l'accession au statut d'homme libre qu'elle est théoriquement chargée de favoriser ».

     

  • La parole est un sport de combat, par Bertrand Périer

    La parole est un sport de combat, par Bertrand Périer, JC Lattès, 2017, 226 p., 18 €.

    « Les premiers rires fusent. Je les espérais. Rien n’est pire que de dire un texte que l’on a cru drôle en l’écrivant, et qui ne suscite pas le moindre rire dans l’assistance. J’ai l’impression confuse que le public me suit, et je me détends. Pour la première fois de ma vie, je me sens bien en parlant, pour la première fois la parole est un plaisir, plus encore : la parole est une fête ».

    Réjouissons-nous. À l’avenir la qualité des discours de nos orateurs de rentrée, présidents de jeunes barreaux, bâtonniers, présidents, … va croître. Par la grâce de ce petit bout d’avocat timoré qui, un jour, a décidé de vaincre sa timidité et de maîtriser la parole en public. Cela l’a d’abord mené à la Conférence du stage du barreau de Paris, aux Conférences Berryer et à toutes ces joutes ludiques que nous apprécions comme un spectacle de Proust (oui, Gaspard, bien sûr, pas Marcel).

    Mais, très vite, Bertrand Périer a voulu faire autre chose de cette adresse qu’il avait durement acquise. C’est ainsi qu’il a immédiatement suivi Stéphane de Freitas lorsque celui-ci a lancé le projet Eloquentia : enseigner l’éloquence aux jeunes des banlieues parisiennes. C’était en 2013. Le succès a fait grandir l’initiative. Au point que c’est aujourd’hui, aussi, un film à succès : À voix haute.

  • Je défendrai la vie autant que vous prêchez la mort, par Samia Maktouf

    Je défendrai la vie autant que vous prêchez la mort, par Samia Maktouf, Michel Lafon, 2017, 272 p., 18,95€.

     

    « En attendant, me voici poussant la porte d’un des plus célèbres cabinets d’avocats parisiens, …

    Je fus engagée. À l’époque, ce n’était pas un miracle. Je ne me souviens pas d’avoir souffert de racisme ou de discrimination à l’embauche en ces années 1990 où je posais définitivement mes valises dans la capitale des lumières. L’époque était plutôt à l’entrée massive des étudiants des pays en voie de développement et de repartir ensuite dans leur pays d’origine, où ils intégraient l’élite. Le marché était ouvert et les mentalités dénuées de préjugés anti-musulman … ».

    C’est ainsi que s’ouvre la carrière de Samia Maktouf, jeune avocate issue de la bourgeoisie de Tunis.

    D’abord des dossiers d’affaires où elle est affrontée à un monde d’hommes blancs, où elle se forge. Puis un cabinet de pratique (quasi-)individuelle où elle se confronte à la vie des gens, « petits » délinquants, « petits » commerçants, « petites » gens, des hommes et des femmes comme vous et moi, quoi …

    Puis viennent les migrants, les SDF, toute la misère du monde. Comme Atlas, comme les jeunes avocats qui pratiquent le pro deo, elle découvre la pauvreté, la difficulté, le décrochage, l’exclusion.

  • Tyrannie, par Richard Malka

    Tyrannie, par Richard Malka, Grasset, 2018, 392 p., 25,10€.

    « Dès son entretien d’embauche, le maître perçut une évidence : son élève s’illustrerait bien plus que lui-même. Il vit en lui la machine de guerre parfaite. Le jeune avocat savait qu’il possédait une finesse intellectuelle et une soif de revanche dans laquelle il puiserait à l’infini, détermination et panache. Mais ces qualités, d’autres en disposaient et certains, davantage que lui. Ce dont son instable mentor eut l’intuition et que Raphaël ignorait lui-même, c’était une capacité instinctive, quasi-télépathique, à cerner ses interlocuteurs. Il savait ce qu’ils pensaient, ce qu’ils aimaient et détestaient, ce qu’ils attendaient et comment les faire sourire. Il s’y adaptait sans même s’en apercevoir … ».

    Ce jeune avocat brillantissime, presqu’aussi doué que le mentaliste des séries télévisées, va pourtant se faire rouler deux fois. Nul n’est parfait. Mais il vous faudra lire ce roman haletant pour savoir pourquoi et comment.

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  • L'empire des choses : liberté, complexité, responsabilité, par Xavier Dieux

    L’empire des choses – Liberté, complexité, responsabilité, par Xavier Dieux, Académie royale de Belgique, 2016, 104 p., 7 €.

    « Sommes-nous en train d’assister, à notre corps défendant, à l’avènement sournois d’une ‘société sans auteur’, expression désignant sous la forme d’une métaphore une société caractérisée par un développement sans précédent des technosciences et, corrélativement, par sa complexité ou, pour le dire immédiatement dans la perspective des questions qui ne seront ici traitées que d’un point de vue juridique, une société fonctionnant comme un ‘système’, de plus en plus autonome – une société qui paraît ainsi échapper à la maîtrise des hommes et qui pose, comme telle, la question d’un effacement de la liberté, de la volonté et de la liberté individuelle » ?

    Ainsi est défini, par la première phrase de son premier chapitre (intitulé « Anthropocène et sociétalisme », c’est un programme), le projet de ce petit opuscule : scruter le développement des technosciences, intelligence artificielle, et autres internet of things, pour examiner leurs conséquences éventuelles sur l’organisation de notre société et, au-delà, notre humanité.

    Mais d’abord du point de vue juridique. Comment ces développements vont-ils marquer notre discipline et la modifier, fondamentalement, ou pas ?

  • Grandes plaidoiries et grands procès. L’art de l’éloquence depuis le XVe siècle

    Grandes plaidoiries et grands procès. L’art de l’éloquence depuis le XVe siècle, Nicolas Corato (sous la direction de), Prisma-Heredium, 3e édition, 2016, 540 pages, 39,90 euros.

    « Le juge est une sentinelle qui ne doit pas laisser passer la frontière ».

    Cette phrase, extraite d’un réquisitoire d’Ernest Pinard, prend une singulière résonnance aujourd’hui alors que des ministres n’hésitent pas à appeler des juges à refuser l’accès à notre territoire aux réfugiés qui tentent d’échapper à la guerre, aux persécutions et à la misère.

    C’est pourtant dans un tout autre contexte qu’elle a été prononcée. Le procureur Ernest Pinard requérait la condamnation de Charles Baudelaire (et de ses éditeurs) pour outrage public aux bonnes mœurs. Le procès des Fleurs du mal. Maître Chaix d’Est-Ange est à la défense mais il ne pourra éviter que Baudelaire soit condamné à une amende de 300 francs et que quelques-uns de ses poèmes (dont le somptueux Les bijoux) soient interdits de publication. Cette interdiction ne sera levée qu’en 1949, après la cassation de l’arrêt, quatre-vingts ans plus tard.

    Pinard avait le nez fin puisqu’il poursuivit aussi Flaubert pour Madame Bovary. Mais, dans ce cas, la somptueuse plaidoirie de Maître Marie-Antoine-Jules Senard lui fit échec.

    pour lire la suite ...

  • Défendre - Paul Lombard, Conversations avec François Dessy

    Défendre – Paul Lombard, Conversations avec François Dessy, éditions du Panthéon, 2017, 310 p., 20,90€.

    « Trois bruits terrifiants. Le premier, sec et froid : l’installation du corps en bonne position. Le second semblable à celui d’une hache : le couperet. Le troisième : celui d’un seau d’eau jeté sur la guillotine pour empêcher le sang de cailler. Tant que la peine de mort existera dans le monde, toute l’eau de la mer ne suffira pas à laver la honte des hommes. Le président de la cour d’assises, le procureur général, désertant leur honte, comme ils n’en avaient pas rigoureusement le devoir, n’osèrent pas regarder mourir leur victime… Ils furent remplacés par le juge Michel : Ce sera votre honneur d’avoir défendu Ranucci, me chuchote-t-il – Ce sera ma douleur, Monsieur le juge ».

    Avec Paul Lombard, l’un des derniers monstres sacrés du barreau français, l’un des derniers avocats français à avoir vu un de ses clients décapités par la Veuve sanglante, et après Jacques Vergès et Roland Dumas, François Dessy poursuit ses entretiens avec les ténors du barreau français.

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  • Le problème de l'existence de Dieu et autres sources de conflits de valeur, par Lucien François

    Le problème de l'existence de Dieu et autres sources de conflits de valeurs, par Lucien François, Académie royale de Belgique, 2017, 144 p., 7 €,

    « Justice et vérité sont des notions si familières à notre esprit que nous les utilisons couramment sans éprouver le besoin de vérifier si nous les concevons avec netteté. Mais, pour un examen sérieux, il est indispensable d'y regarder de plus près qu'avec les yeux de l'habitude. Aussi dois-je employer une grande partie de ce travail à distinguer de la justice et de la vérité elles-mêmes les soucis de justice ou de vérité, qui sont bien autre chose, tout en étant par ailleurs extrêmement proches l'un de l'autre ,,, ».

    Lucien François nous livre, dans cet ouvrage, quatre examens microscopiques de questions taraudantes : l'existence de Dieu, cours de morale laïque ou cours laïque de morale, droit et révolution, justice et vérité.

  • Pour la liberté, par François Sureau

    Pour la liberté, par François Sureau, Tallandier, 2017, 80 p., 7,90€.

     

    « Le système des droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. Rien ne justifie de suspendre de manière permanente les droits du citoyen. Cela n’apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Cela lui procure au contraire une victoire sans combat, en montrant à quel point nos principes étaient fragiles ».

    François Sureau n’est pas seulement le brillant écrivain dont je vous ai déjà commenté plusieurs ouvrages[1], il est aussi avocat au Conseil d’état et à la Cour de cassation de France. Et en cette qualité, il a été amené à plaider à trois reprises devant le Conseil constitutionnel, en qualité de conseil de la Ligue des droits de l’homme, pour contester, chaque fois avec succès, des lois liberticides adoptées à la hâte par un gouvernement socialiste affolé par une menace terroriste qui lui fit perdre tous ses repères (voire toute son essence). Nous savons que cela ne lui a pas valu du bien …

    pour lire la suite : https://gallery.mailchimp.com/d552fd66716b81b8fb8f922cc/files/abb6a8fc-5...

  • Les avocats, par Piero Calamandrei

    Les avocats, par Piero Calamandrei, Editions de la revue Conférence, 2017, 38 p., 19 €.

    « Mais les avocats de Chiapelli sont plus proches de la vie quotidienne et visible : ce sont les avocats de notre société en liquidation, les avocats d’une bourgeoisie qui se défait. Regardez avec quelle négligence ils portent la toge ; il n’y en a pas un qui la tienne fermée, scellée par le rabat comme le voudrait le style ; ils n’ont pas connu l’époque où le président aurait chassé de la salle le défenseur malappris qui eût laissé voir par l’entrebâillement de la toge une veste de couleur claire, ou l’eût interrompu, si dans le feu de sa harangue la toge s’était ouverte, pour lui dire sévèrement : « Monsieur, arrangez-vous un peu. » Et voici au contraire ici, animés et bavards, les avocats mal fagotés de notre temps : débraillés et négligés, avec des vestes écossaises et des gilets fantaisie débordant sans pudeur de leur défroque noire abandonnée sur les épaules et prête à glisser. Ce ne sont pas les avocats cruels définitivement stylisés par Daumier ; ce sont des gens sans façons, plus commun mais plus proches de nous … ».

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