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La petite fille, par Bernard Schlink

La petite fille, par Bernhard Schlink, Paris, Gallimard, 2023, 338 pages, 23 euros.

Il m’est arrivé en petit ce que j’ai vu arriver en grand aux Allemands de l’Est après la chute du Mur. D’abord, ils furent joyeusement accueillis comme étant les bienvenus. Ils furent aussi questionnés avec intérêt sur ce qui s’était passé à l’Est et comment ils y avaient vécu. Mais on les interrogea comme quelqu’un qui rentre de voyage. Lorsqu’il apparut qu’ils n’avaient pas seulement fait un voyage, mais qu’ils venaient d’un autre monde, un monde où certaines choses ne leur avaient pas convenu, mais qui était le leur, qu’ils avaient édifié et entretenu, auquel ils étaient et restaient liés, l’intérêt disparut.

En 1964, Kaspar fut l’un de ces étudiants de Berlin-Ouest qui, regrettant, voire refusant, la partition, passèrent régulièrement à l’Est pour y rencontrer des jeunes de leur âge, discuter et partager avec eux. À cette époque, le mur n’était encore étanche que dans un sens et ce genre de rencontres était donc toujours possible. Au cours de ces excursions, qui ne dépassait donc jamais quelques heures, car il fallait regagner l’Ouest avant la nuit, il rencontre Birgit et tombe follement amoureux d’elle. Il conçoit le projet de la rejoindre. Elle refuse. Il ne trouverait pas sa place à l’Est. Peut-être s’il voulait construire le socialisme, mais ce n’est pas sa vie. Et elle non plus n’en veut plus. Je veux le monde, lui dit-elle. C’est bien aussi. Alors je vais te tirer d’ici, répond-t-il. Et il exfiltre Birgit. Et ils vivent ensemble. C’est un amour inégal, où l’un donne plus que l’autre. Et l’un, c’est Kaspar.

Puis le Mur est tombé. Puis Birgit a sombré dans l’alcoolisme. Puis elle est morte.

La petite-fille par Bernhard Schlink | La Tribune (avocats.be)