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Thierry Papart
Vendredi 19 août 2016. Il est 11.45. Je sors d’une réunion à Bruxelles. Elle m’a empêché d’assister à la messe de funérailles de Thierry. Jean-Pierre Buyle me propose de l’accompagner au Conservatoire de Bruxelles. Anaïs Cassiers y donne un court récital de piano. Je ne la connais pas. Soit.
Elle entre en scène. Elle est toute de blanc vêtue. Comme hier, Laure et Solène, les deux filles de Thierry, quand nous lui avons rendu une dernière visite. Anaïs à l’âge de Solène mais, du fond de la salle, c’est plutôt à Laure qu’elle me fait penser. J’ignore à ce moment que, dans l’église de Desnié, Laure, précisément, est en train de jouer du piano pour son papa.
Anaïs entame une nocturne de Chopin. C’est joli, c’est doux, un peu mélancolique, comme la vue champêtre que l’on a de la terrasse de la maison de Thierry.
Thierry qui fut le condisciple de mon épouse Véronique, sur les bancs de la faculté de droit.
Thierry qui fut un brillant avocat, stagiaire de Michel Franchimont, complice de François Piedbœuf.
Thierry que j’entends encore jongler avec les mots à la revue du Jeune barreau.
Thierry devenu magistrat, qui jugeait avec sûreté, rapidement, sans arriéré.
Thierry, l’auteur de doctrine, qui publiait sur le bail, sur le droit de la circulation routière, des assurances, de la réparation du préjudice corporel.
Thierry, le jurisconsulte, qui ne répugnait jamais à donner un conseil à ses voisins, aux habitants du hameau de Desnié, dont il était le sage.
Thierry l’organisé, le médiatique, qui assumait si bien ses fonctions de président des juges de paix et de police.
Thierry le sculpteur et le peintre, qui laissait filer ses doigts dans la glaise pour modeler ces corps et ces visages qui nous interpellent tant parce qu’ils nous renvoient notre image.
Thierry le sportif, qui venait encore de gravir le Mont Ventoux à vélo.
Thierry le chrétien, de plus en plus engagé, qui venait de terminer la sculpture d’un chemin de croix, comme un symbole de son cheminement personnel au sein d’un monde de plus en plus peuplé de diables.
Thierry qui gérait le droit de la circulation routière au sein de notre comité de rédaction, toujours efficace, toujours ponctuel, toujours précis.
Thierry souriant, charmeur, séducteur. Thierry qui avait peur de vieillir. Thierry avec qui nous devions dîner vendredi prochain, chez nos amis Bernadette et Jules.
Thierry qui faisait du VTT, jusqu’à dimanche dernier, quand ce stupide fossé est venu arrêter sa vie.
Anaïs a enchainé. Elle joue maintenant la Mephisto Waltz de Franz Listz. C’est enlevé, c’est beau, c’est sombre. Et que fait là le diable ?
Thierry ne vieillira pas. En 58 ans, il a fait bien plus que d’autres en 85. Mais le diable devait-il nous l’enlever pour cela ?
On ne meurt vraiment que lorsque l’on est oublié.
Pour toi, Thierry, cela ne sera pas de sitôt.
Patrick Henry