Privé de liberté, pas de génie – Trente prisonniers célèbres, nouvelles rassemblées par François Dessy, Bruxelles, La Pensée et les Hommes, 2022, 464 pages, 30 euros.
Je ne vis plus. Tout au plus, je crois que je continue à exister biologiquement, en suspension dans un espace sombre réduit à quelques mètres carrés.
Aujourd’hui, comme hier et demain, je métabolise le vide émotionnel de la privation de liberté, comme un diabétique le sucre, ce matin, comme les autres matins, qui succèdent à tous les matins, après cette arrestation chez moi, devant mes enfants en pyjama, moi aussi en pyjama, au lever, dans l’odeur du café…
Ainsi reclus, j’attends, comme seule ligne d’horizon, la nuit et la fuite du temps et peut-être le sommeil et ainsi de suite, jusqu’à l’épuisement du besoin d’espoir.
Je suis immobile. Je suis retenu en prison. Je suis enfermé. Je suis un détenu. Je suis un détenu en préventive.
Ils sont trente. Trente parmi des millions. Trente prisonniers. Trente dont la vie avait été mise entre parenthèses.
Mais pas tout à fait. Ceux-là sont restés libres dans leur tête. Ils ont lutté, avec des succès divers, contre l’avilissement. Ils ont tenté de rester des êtres humains.