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Spécialisez-vous ! - Mot du président - 18/02/2016

Ce vendredi 12 février 2016, à l’occasion de la rentrée du barreau de Tunis, le bâtonnier Abdellatif Bouachrine, secrétaire général de l’Union des avocats arabes, s’est lancé dans un vibrant appel à la formation. Avec une emphase qui a surpris certains invités, il a martelé la nécessité, pour les avocats comme pour les autres titulaires de professions libérales, d’être en mesure d’offrir à leurs clients des services de haute qualité, ce qui requérait qu’ils se soumettent à des exigences de formation initiale, continue et spécialisée.

Il a évidemment raison.

Le temps où l’on était avocat une fois pour toutes, parce que l’on avait obtenu un diplôme de droit et que l’on avait prêté serment, que l’on avait, pendant trois ans, accompagné un maître de stage qui ne traitait d’ailleurs peut-être aucunement le type de causes que l’on est aujourd’hui susceptible d’accepter, est manifestement révolu. Mon maître de stage était, il est vrai entre autres choses, un spécialiste du droit minier. Je traite aujourd’hui principalement des litiges de droit de l’urbanisme et de l’environnement, matières qui n’étaient même pas enseignées au moment où j’ai accompli mes études… Faut-il un dessin ?

Il est un truisme d’affirmer que le droit est devenu de plus en plus complexe. Les sources de droit se sont multipliées. Elles peuvent être opposées les unes aux autres. La taille de nos codes a enflé, démesurément. Tirer un plan sur la comète est parfois plus simple que déterminer le texte applicable, tant les lois se succèdent rapidement, au risque de s’égarer. Principes généraux et créations prétoriennes contribuent à une certaine insécurité juridique qui, tout à la fois, est porteuse de progrès et de prise en compte des intérêts de chacun mais aussi génératrice d’incertitudes susceptibles de paralyser des initiatives qui seraient pourtant profitables pour le bien commun.

Dans ce contexte, plus personne – ni l’Europe, ni l’État, ni les entreprises, ni les consommateurs – ne peut se satisfaire de services juridiques d’une qualité approximative. Et l’émergence des intelligences artificielles ne fera que marginaliser un peu plus ceux qui ne sont pas capables d’apporter une véritable valeur ajoutée à leurs clients.

Dès lors, formation initiale et formation continuée sont, plus que jamais, indispensables. AVOCATS.BE travaille à les améliorer encore, à les professionnaliser.

Mon but aujourd’hui est d’attirer votre attention sur une décisionprononcée par notre Commission d’appel en matière de reconnaissance de spécialisation le 30 novembre 2015. Elle énonce que :
« L'avocat spécialiste, au sens des articles 4.46 et suivants du Code de déontologie de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, est celui qui, grâce à sa connaissance, son expérience et sa pratique approfondie d'une matière déterminée, rendra un service de bonne qualité à la clientèle et peut donc être autorisé à faire valoir sa spécialisation dans cette matière auprès de celle-ci.
La preuve de la réunion de ces conditions ne doit pas nécessairement être administrée par la production de titres universitaires ou de publications qui démontreraient que l'avocat qui sollicite cette reconnaissance est considéré comme une autorité dans la matière. Elle peut aussi résulter d'éléments tels la composition de sa clientèle, la qualité de ses écrits professionnels, la composition de sa bibliothèque, des témoignages de compétence émanant de confrères ou les agréments qu'il a obtenus
 ».
 
En résumé, l’avocat spécialiste n’est pas nécessairement une « autorité » reconnue, celui auquel on se réfère face à une difficulté particulièrement aigüe, comme un professeur d’université. Il est un bon praticien, qui s’est consacré à une matière particulière, en l’étudiant, en s’y formant (aussi de façon continuée) et en la pratiquant régulièrement. Il est celui qui est, de ce fait, à même de garantir à ses clients, dans cette matière, un service rapide, efficace, de qualité.

Trop peu, beaucoup trop peu, d’avocats francophones et germanophones ont, à ce jour fait usage de la possibilité de faire reconnaître leur(s) spécialisation(s). Pourtant, de plus en plus, des organisations représentatives de consommateurs, des fédérations d’entreprises, des adjudicateurs de marchés publics de services juridiques, nous demandent des listes de spécialistes, exigent la démonstration d’une qualification particulière dans le domaine visé, bref veulent obtenir – et bien légitimement – la garantie que l’avocat auquel ils feront appel sera à même de leur apporter cette garantie d’efficacité et de qualité. Et les possibilités qui nous sont aujourd’hui ouvertes en matière de publicité, voire de démarchage, nous permettent de faire valoir les qualifications que nous avons acquises en en avertissant nos clients potentiels, dans le respect, bien sûr, des principes de dignité et de loyauté qui gouvernent notre profession.

Passez donc le cap. Spécialisez-vous. Et faites reconnaître votre spécialisation.