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Où va la Justice ?, par Bruno Dayez

Où va la Justice ?, par Bruno Dayez, La Charte, collection « La clé des gens », Bruxelles, 2016, 304 pages

 

« Dans la version officielle du droit, nous sommes des « auxiliaires de justice ». En réalité, nous en sommes l’accessoire ! Plusieurs raisons « structurelles » expliquent cet état de choses. La première tient au statut de l’avocat, car ce statut recèle, en soi, une ambiguïté fondamentale : sommes-nous là pour servir la justice ou pour la contrecarrer ? Pour cautionner le système ou pour le saborder ? Pour défendre les intérêts particuliers d’un prévenu ou apporter notre concours à l’entreprise de juger, laquelle ne doit viser que l’intérêt général ? En un mot, sommes-nous la goutte d’huile ou le grain de sable ? ».

Notre confrère Bruno Dayez a réuni en un beau volume les chroniques qu’il publie régulièrement dans Le Soir, La Libre Belgique, Le Vif-L’Express, Le Journal des Tribunaux, Le Journal des procès,…, et par lesquelles il nous livre ses réflexions sur l’évolution de notre justice pénale.

Pour ou contre la Cour d’assises ? Lui est contre, résolument contre, ne voyant qu’une fiction dans l’image du jury populaire, soi-disant émanation du peuple, qui pourrait, pour cette raison, être affranchi de toutes les obligations et garanties liées à la fonction de juger.

Pour ou contre la prison ? Il est contre, là-aussi, cette machine à dégrader les punis, à favoriser leurs récidives, qui sert surtout à assouvir, d’ailleurs très mal, un simple désir de vindicte.

Pour ou contre la médiatisation de la justice ? À nouveau, il dénonce les dérives d’une presse qui oublie trop souvent (je n’ai pas dit toujours !) son rôle de chien de garde pour se muer en marchand de papier, en aiguillon de nos plus infâmes instincts de voyeurs.

Pour ou contre le tout aux victimes ? Contre, bien sûr, encore (c’est plein de fous ici) ! La justice pénale n’est pas le lieu du deuil, pas plus que celui de la vengeance. Elle doit être exercée dans la sérénité, dans le respect de sa mission fondamentale : punir pour réinsérer.

Pour ou contre la vérité ? Mauvaise question. La vérité existe-t-elle ? La vérité scientifique, oui. La vérité judiciaire, oui. La vérité de chacun, bien sûr. Mais LA vérité ? Est-ce d’ailleurs cela que cherche la justice ? Non, bien sûr. Seulement un jugement qui ramène un semblant d’ordre et de paix.

Et la justice ? Elle est malade, non seulement de toutes ces dérives mais aussi de son manque de moyens. A-t-elle oublié d’évoluer avec son temps ? Est-elle condamnée à mort, à force de s’être engoncée dans ses certitudes ?

C’est un beau voyage au travers de la justice (pénale) de notre pays. Vingt ans de chroniques. Cela donne le temps de voir évoluer les pensées, bouger la société, de constater l’accentuation de certaines tendances et l’émergence de nouveaux enjeux, d’entendre des cris qui deviennent de plus en plus prégnants.

Et, pour nous, restent les questions fondamentales. Qui sommes-nous ? Quel est notre rôle, notre mission, notre fonction, notre avenir ?

Ce sont celles que nous posent Bruno Dayez. Elles sont, en quelque sorte, résumées dans les premières lignes de cette chronique. Mais faut-il ainsi les poser en termes d’opposition ? Nous sommes tantôt des auxiliaires de Justice, tantôt des rebelles. À la fois ceux qui viabilisent l’institution et ceux qui la contestent. Est-ce contradictoire ? Tantôt goutte d’huile, tantôt grain de sable. La connivence, en général. La rupture, quand il le faut.

Ainsi ont toujours été les avocats. Ainsi sont-ils.

Et ils cesseront d’être avocats quand ils refuseront cette ambivalence.

C’est plus apparent dans les régimes qui nient les droits de l’homme, du Burundi à la Chine, du Honduras à l’Iran. Mais c’est vrai aussi chez nous.

Luttons, parce que c’est notre unique chance de survie. Merci Bruno, pour ces belles pages.