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L'avocat est un homme libre

« L’avocat est un homme libre » (Michel Franchimont, 2 avril 2004)

Le 13 mai 1987, alors que Michel Franchimont s’apprêtait à prendre ses fonctions de bâtonnier, la Cour de cassation admettait, pour la première fois, que l’état de nécessité pouvait justifier qu’il soit fait exception au secret professionnel, en cas de péril grave, imminent et irrésistible. Depuis, cette théorie a été consacrée par l’article 458bis du Code pénal qui visait d’abord à permettre la dénonciation de faits constituant un péril grave pour la santé physique ou psychique de mineurs et dont le champs a ensuite été étendu à l’ensemble des personnes dites « vulnérables ». Aujourd’hui, une proposition de loi a pour objet d’introduire un article 458ter permettant la dénonciation d’actes à visées terroristes.

Mais nous en sommes plus loin. À plusieurs reprises, la Cour constitutionnelle a consacré le caractère relatif du secret professionnel. Il peut céder face à une valeur plus importante. Cela ne signifie cependant pas qu’il s’efface devant n’importe quelle autre valeur. Plusieurs exemples de la force du secret professionnel nous été donnés récemment, notamment en matière de blanchiment de capitaux (arrêts de la Cour constitutionnelle du 23 janvier 2008, O.B.F.G., et de la C.E.D.H. du 6 décembre 2012, Michaud) ou d’écoutes téléphoniques (arrêts de la C.E.D.H. du 3 février 2015, Pruteanu, et de la Cour d’appel de La Haye, Prakken d’Oliveira). Il reste que d’autres écoutes téléphoniques ont été validées (arrêts de la Cour de cassation de France du 22 mars 2016, Sarkozy et Herzog, et de la C.E.D.H. du 16 juin 2016, Versini).

Ces évolutions doivent être jointes à d’autres mouvements, qui convergent pour mettre en péril l’indépendance de l’avocat. Au Royaume-Uni, les avocats ont perdu la gouvernance de la profession, désormais confiée à un organe pluridisciplinaire. Les prises de participation externe dans le capital des cabinets d’avocats y sont désormais autorisées sans aucune limite.

L’O.C.D.E. et l’U.E., dans le cadre de leur lutte contre les pratiques d’optimisation fiscale agressive, veulent imposer aux avocats fiscalistes des obligations de divulgations des stratégies adoptées par leurs clients. Les voici bientôt gardien de l’ « esprit de la loi » fiscale.

Et que dire des nouvelles lignes directrices adoptées par l’I.B.A. en mai 2016 en matière de responsabilité sociale des avocats ? L’avocat responsable de l’éthique des comportements de ses clients ? Ne pourrons-nous, bientôt, plus défendre que les honnêtes gens ?

L’avocat est-il toujours un homme libre ?

Visionnez le Powerpoint annoté qu'Hélène Germain, Clarisse Franchimont et moi avons utilisé pour débattre de cette question lors du Colloque Michel Franchimont : un visionnaire, ce 18 novembre 2016