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La majoration des droits de greffe : le barreau squeezé ? Mot du président - 25/02/2015

Au bridge, le squeeze consiste à obliger l’adversaire à se défausser d’une de ses bonnes cartes et, ainsi, à obtenir une levée supplémentaire.

N’est-ce pas un peu le sort que le gouvernement nous réserve en proposant une majoration des droits de greffe ?

D’un côté, nous ne cessons de répéter que la justice est trop chère, de plus en plus chère. Les causes en sont multiples. Il y a, certes, la suppression de l’exonération de la T.V.A. sur les honoraires d’avocats et la majoration des indemnités de procédure, mais il y a, surtout, la complexification et la juridicisation croissantes de nos relations sociales. Les règles qui nous gouvernent sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus détaillées, de sources de plus en plus multiples, … si bien que la gestion des contentieux mobilise des énergies sans cesse plus considérables. Des énergies dont il faut bien, d’une façon ou d’une autre, supporter le coût. Et, malheureusement, ce coût a cru à un point tel qu’une frange importante des justiciables (le ventre mou, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas en situation de bénéficier de l’aide juridique et qui ne figurent pas non plus dans les 20 ou 30 % les plus riches de la population) a de plus en plus de mal à le supporter.

Mais, d’un autre côté, l’Etat est exsangue. Il ne parvient plus à subvenir aux besoins du troisième pouvoir et est contraint de rechercher toutes les voies d’économies possibles. Ceci au moment où la paupérisation de notre population ne cesse de croître, en raison de la crise économique qui nous frappe depuis quelques années.

Comment, dans ces conditions, préserver un accès à la justice aux plus démunis sinon en renforçant notre système d’aide juridique ? Et comment renforcer notre système d’aide juridique sans quelques moyens complémentaires ?

La majoration des droits de greffe se trouve à l’intersection de ces deux lignes contradictoires.

D’un côté, elle contribuerait à renchérir l’accès à la justice. D’un autre, si elle affectée au budget de l’aide juridique, elle permettrait de le pérenniser.

Alors : squeeze ?

Méfions-nous des métaphores. Il faut, ici comme dans tout, soupeser les intérêts en présence.

D’un côté, si la majoration des droits de greffe est mesurée et qu’elle porte, comme cela semble actuellement être le projet du gouvernement, essentiellement sur les actions dont le montant nominal est très élevé, elle ne devrait avoir qu’une incidence modérée sur l’accès à la justice. Bien inférieure, en tout cas, à celle des réformes précédentes, que j’évoquais au début de cet article.

D’un autre, si le produit de cette majoration est affecté à l’aide juridique, il devrait être de nature à permettre, enfin, de résoudre cette difficulté qui nous taraude depuis plus d’une législature.

Aussi AVOCATS.BE a-t-il choisi. Nous ne nous opposons pas à une majoration raisonnable et intelligemment étalonnée des droits de greffe, mais à la stricte condition que le produit de cette majoration puisse être affecté, en tout cas dans sa majeure partie, au bon fonctionnement de l’aide juridique.

Cette condition est fondamentale.

Le pouvoir judiciaire est un des trois piliers constitutionnels de notre nation.

L’accès à la justice pour tous est un des grands acquis de notre civilisation.

Il peut y avoir des compromis. Il peut y avoir des concessions. Mais l’institution doit être préservée.

Parce qu’autrement, nous ne vivrons plus dans une démocratie.

Luttons,