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Eloge de la présomption d'innocence, par Marie Dosé et Julia Minkowski

Éloge de la présomption d’innocence, par Marie Dosé et Julia Minkowski, Paris, Gallimard, 156 pages, 19 euros.

 

L’essence du métier d’avocat pénaliste consiste à défendre aussi bien des personnes accusées d’actes pénalement répréhensibles que leurs victimes. Il va sans dire que plaider l’innocence ou défendre un accusé manifestement coupable ne saurait être compris comme une justification des actes en eux-mêmes. Mais si nous en sommes là, à devoir rappeler cette évidence, c’est que nous, avocates pénalistes, sommes de plus en plus prises à parties. Aussi, on se pince d’avoir à l’écrire : non, nous ne sommes pas favorables à l’escroquerie, au viol, au meurtre… Défendre une personne accusée de terrorisme n’implique pas que nous jugions d’un bon œil l’usage de la violence contre des populations, et être les conseils d’hommes accusé de violences sexuelles n’implique pas que nous souscrivions aux mécanismes de la prédation masculine, pas plus qu’au dévoiement de la libération des mœurs par la contrainte ou à l’emprise comme mode opératoire dans les relations sentimentales.

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Qu’est devenue la présomption d’innocence dans notre société d’immédiateté ? Il est si facile de clouer au pilori des réseaux sociaux tout présumé coupable, simplement en tapotant quelques mots sur son téléphone portable, sous le couvert de l’anonymat bien sûr…

Marie Dosé et Julia Minkowski commencent par égrener quelques exemples diablement interpellant. Vous vous souvenez, bien sûr, des affaires Bérégovoy, Balladur, Fillon… Mais que dire de l’affaire Julien Bayou, ce député écologiste trainé dans la boue par sa collègue Sandrine Rousseau, qui après avoir recueilli des « confidences » de son ex-compagne (!), l’accusa de « comportements de nature à briser la santé morale des femmes », tout en précisant qu’aucun comportement pénalement répréhensible ne pouvait lui être reproché. Mais l’accusation avait fait son effet. Julien Bayou ne fut jamais poursuivi, jamais mis en prévention. Aucune enquête ne fut menée, ce qui permis à Sandrine Rousseau de conclure, avec un fabuleux cynisme : « Sans enquête, on ne peut rien dire »… Mais sa carrière est brisée.