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Justice pour la justice - Mot du président - 26/03/2015
Plusieurs milliers d’acteurs de la justice rassemblés dans l’immense salle des pas perdus du Palais de « l’arkitekt’ ». Des avocats, de tous les barreaux, des magistrats, des greffiers, des membres du personnel des greffes et des parquets, de toutes les juridictions, de tous les arrondissements, des experts, des traducteurs. Tous rassemblés. Sans égard pour leur obédience, leur rang, leur charge, leur langue.
Pour crier qu’ils veulent justice pour la justice.
Parce qu’elle est déjà bien dans le paté, et depuis plusieurs années : bâtiments en décrépitude, essaimés, mal entretenus, mal nettoyés, pas toujours assainis ; matériel manquant, dépassé, dépareillé, désuet, obsolète ; cadres incomplets, non renouvelés, sans logique aucune, au hasard des départs ; informatique déficiente, absente ; experts, médecins et traducteurs non payés, exsangues, au bord de la faillite ; avocats bajistes désindexés (je veux dire indexés à l’envers – de là à dire qu’ils sont les seuls à souhaiter un saut d’index…).
Parce qu’elle est déjà bien mal en point et que l’on veut encore réduire son budget. Et de 10%, dont déjà 4 en 2015.
Absurde !
Absurde parce qu’il ne s’agit pas seulement de mépris pour tous ces acteurs de justice qui, le plus souvent, font leur boulot avec cœur, voire avec passion.
Absurde parce que celui qui est pénalisé par ces inconséquences c’est d’abord le justiciable, le citoyen, celui qui attend son jugement et qui apprend que son affaire est décommandée, qu’il n’y a plus de juge pour la trancher, plus de greffier pour la rédiger, plus d’encre pour l’imprimer, plus personne au téléphone pour le lui expliquer…
Absurde car qui, sinon le justiciable, est déjà lourdement pénalisé par toutes ces majorations de coûts que l’on vient de lui imposer : droits de greffe (deux fois), indemnités de procédure et, surtout, T.V.A. (à ce sujet, nous venons de perdre notre référé listing T.V.A., soyez-y attentifs) ?
Absurde parce que si l’on met la justice en faillite, on ne supprimera pas pour autant les conflits. Alors, s’il n’y a plus de juges pour les gérer, qui le fera ? Des médiateurs, des fonctionnaires, des robots, des justiciers, des bandits ?
Que le monde politique réfléchisse à deux fois avant de saborder l’un des trois piliers de notre État.
Ceci ne veut pas dire, évidemment, que nous refusons de nous remettre en question, d’étudier les propositions énumérées par Monsieur Geens dans son plan Justice, ni d’ailleurs, d’en avancer d’autres. Nous en avons déjà formulées, nous continuerons à le faire, à discuter celles qui sont sur la table et à en élaborer de plus novatrices. C’est d’ailleurs l’objet même de notre congrès biennal : #Agissons.
Cela veut dire que si nous sommes prêts à travailler à des alternatives qui permettront de rendre la justice payable dans un monde où il n’y a plus d’argent pour rien, il faut proportionner les lignes budgétaires aux résultats que l’on peut raisonnablement atteindre. Dégager d’abord les économies et puis réduire les budgets en conséquence. Et non l’inverse évidemment.
Sinon, l’échec est assuré. Et que l’on mesure les risques que l’on prendra, en termes de démocratie.
Pas de choix : il faut sauver le pouvoir judiciaire.