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Je suis Charlie - Je suis avocat - Mot du président
Je suis Charlie.
Cela ne veut pas dire que j’approuve tout ce que Charlie Hebdo publie, en ce compris le plus provocateur.
Cela ne veut pas dire que, si j’étais Charlie, j’aurais publié des caricatures de Mahomet.
Cela ne veut pas dire que j’estime que la liberté d’expression ne doit avoir aucune limite.
Cela veut dire qu’on ne répond pas à un dessin avec une Kalachnikov.
Cela veut dire que notre vouloir vivre ensemble, les valeurs qui en sont le socle, doivent être défendues.
Si nous estimons que Dieudonné, Fouad Belkacem ou une quelconque Radio Mille Collines excèdent les limites de la liberté d’expression, nous leur faisons un procès équitable.
Non, je n’admets pas que le Pape, dans une récente interview, même s’il a peut-être été un peu piégé par un journaliste, ait déclaré que « Si quelqu’un se moque de ma mère, il doit s’attendre à recevoir un poing dans la figure ». Ce ne sont pas ça, nos valeurs.
Telle est la raison pour laquelle AVOCATS.BE a dit son soutien à Charlie Hebdo, et aux valeurs qui viennent d’être rappelées, à plusieurs reprises depuis les attentats, d’abord par un message de solidarité adressé à nos confrères français, ensuite par une édition spéciale de cette Tribune, enfin pour une déclaration commune de tous les bâtonniers de Belgique, lue en leurs noms par le bâtonnier Boonen, lors de la séance solennelle de rentrée du barreau de Bruxelles, le premier grand rassemblement international d’avocats qui ait suivi les évènements.
Telle est la raison pour laquelle, à partir de ce numéro, nous publierons régulièrement dans cette Tribune, une rubrique intitulée « Je suis Charlie », dans laquelle nous nous permettrons de passer la mine à tous ceux qui défendent les libertés.
Je suis avocat.
C’est pour cela, bien sûr, que je défends les libertés.
C’est pour cela, aussi, que nous entendons attirer l’attention de nos gouvernants sur la nécessaire proportionnalité entre les mesures qui doivent être adoptées pour nous protéger de l’ampleur des menaces auxquelles il faut faire face. Ce grand mouvement de soutien aux libertés, qui vient de naître spontanément à la suite des attentats, ne peut pas servir de prétexte pour emporter notre société dans le flux d’une dérive sécuritaire. Si des mesures de préservation doivent être adoptées, il faut qu’elles soient appropriées à l’objectif poursuivi et que, dans l’hypothèse où elles seraient susceptibles d’en déborder, des garde-fous soient mis en place.
Il est aussi indispensable que, même dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, le gouvernement veille à accorder au pouvoir judiciaire les moyens qui lui sont indispensables pour remplir sa mission de troisième pouvoir, à l’égal des deux autres, dans le respect de la Constitution qui, plus que jamais, doit être notre charte fondamentale.
Des économies sont possibles. Certaines simplifications de nos pratiques pourraient y contribuer. La mise en place d’outils informatiques performants également. Mais là aussi, il faut être prudent. La procédure est aussi la sœur de la liberté.
AVOCATS.BE est prêt à prendre sa part dans les réflexions qui devraient tendre à une justice plus efficace, plus rapide, moins chère.
Mais il veillera aussi à ce que ces mesures d’économies soient adoptées dans le respect des garanties essentielles auxquelles les justiciables ont droit et à ce que le budget accordé à la justice reste compatible avec la mission qu’elle doit accomplir pour le plus grand bien de tous nos concitoyens.