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Éradiquons la surpopulation carcérale - Mot du président - 18/06/2015
Ces 9 et 10 juin 2015, AVOCATS.BE a donc lancé trois actions contre l’Etat belge, devant les tribunaux de première instance de Bruxelles, Liège et Mons, pour dénoncer la surpopulation qui sévit dans les prisons de Forest, Lantin et Mons et pour solliciter sa condamnation à établir et à mettre en œuvre un plan qui éradiquerait cette surpopulation dans les six mois du prononcé des jugements à intervenir.
AVOCATS.BE, on le sait, s’est vu confier par le Code judiciaire la mission de défendre, non seulement les intérêts des avocats, mais également ceux des justiciables. C’est évidemment en s’appuyant sur cette seconde compétence que nous avons décidé d’introduire ces actions.
La Belgique a été condamnée à de nombreuses reprises, tant par la Cour européenne des droits de l’homme que par les juridictions de l’Ordre judiciaire, à indemniser des détenus pour les traitements inhumains et dégradants (au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) auxquels ils ont été soumis dans nos prisons.
L’arrêt du 25 novembre 2014, Vasilescu, est, à cet égard, particulièrement cinglant. Il pointe les multiples violations des droits des détenus dont notre État se rend coupable, quotidiennement.
Mais il ne s’agit pas seulement d’une question de droit. C’est le bon sens même qui est défié par cette situation.
Le plan justice de Monsieur Geens reconnait que, au début de l’année 2015, nos prisons connaissaient, en moyenne, une surpopulation de l’ordre de 12 % (11.377 détenus pour une capacité théorique de 10.185 unités).
Ces chiffres nous paraissent en-dessous de la réalité. D’une part, ils ne tiennent compte que d’une capacité carcérale théorique, sans compter les cellules qui ont dû être fermées pour cause d’insalubrité. D’autre part, le phénomène est plus accentué dans certaines prisons.
À Lantin, par exemple, on comptait, en 2013, 657détenus pour une capacité de 342 places.
La surpopulation dans les prisons entraine un cortège de conséquences abominables :
- Les détenus sont entassés à trois ou quatre dans des cellules qui sont conçues pour en accueillir deux ;
- Certains doivent dormir sur des matelas placés à-même le sol ;
- Les conditions d’hygiène sont d’autant plus déplorables (dans certaines prisons, un seau hygiénique doit être partagé par trois détenus) ;
- Les rations alimentaires sont calculées sur la capacité théorique de la prison et non sur le nombre de prisonniers qui sont détenus ;
- Les effectifs du personnel des prisons n’étant pas adaptés, cela signifie donc qu’il n’y a pas assez de gardiens, pas assez de personnel médical, pas assez d’assistants sociaux ;
- Les activités de loisir ou, simplement, « occupationnelles » ne peuvent donc être organisées ;
- Les visites sont souvent suspendues ;
- Il n’y a pas assez de soins et l’assistance à la réinsertion reste purement théorique ;
- L’insuffisance de la surveillance induit des comportements bien plus graves : la drogue circule quasi librement dans nos prisons ; les jeunes détenus (ou les plus faibles) sont victimes de violences, voire de viols ; le taux de suicide dans nos prisons est gigantesque.
Conséquences : le taux de récidive à 5 ans des condamnés qui sortent d’une peine de prison est supérieur à 75 %, trois fois plus élevé que le taux de récidives de ceux qui ont été condamnés à une peine alternative.
Pourquoi punit-on ? Pour éviter la réitération des comportements délictueux, bien sûr. Le constat est donc cruel : dans l’état dans lesquelles elles se trouvent aujourd’hui, nos prisons encouragent la récidive au lieu de la décourager. Celui qui sort d’une de nos prisons risque bien plus de commettre un délit qu’avant qu’il y ait séjourné. Quel paradoxe !
Le plan justice de Monsieur Geens prévoit pourtant diverses mesures salutaires :
- Limitation de la détention préventive ;
- Interdiction de celle-ci pour les délits mineurs ;
- Recours à la surveillance par bracelet électronique ;
- Et en ce qui concerne l’exécution des peines, interdiction des courtes peines de prison ;
- Remplacement de celles-ci par des sanctions alternatives (surveillance par bracelet électronique, travaux d’intérêt général, médiation, sanctions financières, …).
Mais ces belles promesses tardent à se concrétiser et, au contraire, des voix s’élèvent, au sein de la majorité gouvernementale, pour en contester – contre toute raison – la pertinence.
Il faut donc agir. Les trois actions que nous avons introduites ne seront plaidées que dans un an, en mai et en juin 2016.
Nous n’avons qu’un espoir : que le gouvernement ait, d’ici-là, pris les mesures que nous réclamons et que nous puissions donc très heureusement, nous désister de nos actions avant qu’elles aient à être plaidées.
Luttons,