Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

Espoirs et craintes... Action et vigilance... Mot du président

L’accord de gouvernement a donc été présenté à la Chambre.

Je ne m’arrêterai pas, pour l’instant en tout cas, sur la confusion qui a entouré le discours d’investiture de notre nouveau premier ministre.

C’est avant tout le contenu de l’accord qui retient mon attention.

Son volet justice contient de nombreux points qui rencontrent les priorités que nous avions adressées aux candidats aux élections d’abord, aux négociateurs de la coalition ensuite.

Au premier rang de ceux-ci, la volonté d’enfin aboutir à une réforme et à un refinancement de l’aide juridique, « dans la concertation avec les barreaux et les acteurs concernés ».  Comme vous le lirez dans la Tribune, j’ai d’ores et déjà signalé notre disponibilité à notre confrère Koen Geens, nouveau ministre de la Justice, pour entamer cette concertation. Plusieurs pistes sont mentionnées dans l’accord. Certaines reprennent nos propres propositions. D’autres ont été rejetées par le passé (particulièrement celle qui tendrait à imposer aux avocats stagiaires d’accepter de défendre certaines causes gratuitement – outre qu’elle ne rapporterait que très peu, cette proposition est philosophiquement inacceptable : le service public de l’aide juridique aux plus démunis ne peut être assuré gratuitement par des jeunes avocats qui ne disposent de guère plus de revenus !)

Mais d’autres chantiers sont annoncés et ils retiennent tout autant notre attention :

-          Enfin faire aboutir les projets d’informatisation de la justice. Nous devons sortir du Moyen-âge au sein duquel nous restons aujourd’hui confinés. Et qu’on se le dise :les barreaux, eux, seront prêts, dès 2015, à se connecter électroniquement aux greffes, avec toute la sécurité indispensable ;

-          Enfin assurer la complétude du cadre des magistrats et des greffes, pour que la justice redevienne le service public dont nos concitoyens ont besoin ;

-          Restaurer les bâtiments de justice dont bien trop sont aujourd’hui dans un état inadmissible ;

-          Promouvoir les peines alternatives (travaux d’intérêt général, surveillance électronique,…) à la fois parce que la prison est souvent une réponse inadéquate – voire criminogène - à la délinquance et pour endiguer la surpopulation carcérale ;

-          Prendre enfin en compte la situation des aliénés détenus en leur réservant les structures d’accueil et les soins dont ils ont besoin (et non en les poussant à solliciter l’euthanasie !).

D’autres propositions nous tiendront intranquilles, car elles sont porteuses de risques de dérives que nous ne pourrions accepter. Ainsi en est-il, par exemple, de l’introduction du plaider coupable. Si sur le principe même de l’institution les avis peuvent être partagés, il est en tout cas indispensable que, quelle que soit l’orientation prise, les textes adoptés respectent les droits de défense et, surtout, le droit de ne pas s’incriminer soi-même. Ainsi en est-il, aussi, des propositions avancées en matière de sanction de l’irrégularité des preuves (il serait difficilement acceptable que l’on aille plus loin encore) ou des erreurs de procédure. La procédure est la gardienne des libertés. Elle doit le rester.

Nous serons attentifs encore aux velléités qui se sont exprimées de mettre le Conseil supérieur de la Justice sous tutelle, même si elles figurent moins dans la version définitive de l’accord.

Ou à cette volonté affirmée, en matière d’assistance pendant la garde à vue (les permanences Salduz), d’assurer un « meilleur équilibre » entre les droits de la défense et la charge pesant sur les parquets et les services de police. Il serait difficilement concevable que l’on en fasse moins encore, spécialement alors que les nouvelles directives européennes, qui généralisent l’assistance de l’avocat, entreront en vigueur en 2016.

Enfin, le programme du gouvernement en matière d’asile et d’immigration appelle toute notre vigilance. Le discours affiché éveille les plus grandes craintes. AVOCATS.BE n’a pas pour mission de faire de la politique. Mais qu’on ne pique pas nos nerfs. Ce n’est pas faire de la politique que de veiller à ce que les droits fondamentaux, consacrés par les Conventions internationales ratifiées par la Belgique, soient respectés.