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Mot du président

Chers confrères,

« L’économie n’est pas morale. C’est pour cette raison, qu’elle ne peut, à elle seule, régir notre société ». Voilà ce que nous disait, il y a quelques jours, dans son billet quotidien sur Classic 21, Amid Faljaoui.
 
Pourtant, ainsi que nous l’expliquaient à Liège, les 20 et 21 février dernier, François Ost et Louis Assier-Andrieu, lors du colloque Tomorrow's lawyers, le droit n’est pas la seule façon de régir notre société. Il est, de plus en plus souvent, concurrencé par l’économie, les médias, voire la religion (dans d’autres pays, mais aussi dans certains quartiers de nos villes).
 
Le modèle économique, fondé sur la libre concurrence, et le modèle de la communication, fondé sur la transparence, modifient profondément la structure de notre société. Ces modèles font le lit d’un tout-au-numérique envahissant qui modifie profondément notre mode de vie et redistribue bien des cartes.
 
Ainsi, l’hebdomadaire Trends-Tendance du 20 février 2014 titre : « Le numérique va détruire 320 professions ! Dont la vôtre ? ». Selon les auteurs de l’étude principale de cette édition, la profession d’avocat ne figurerait pas parmi les professions les plus menacées, mais bien celles d’ « assistant juridique », de notaire ou d’huissier. Et, dans un encadré, l’économiste et anthropologue Paul Jorion va jusqu’à affirmer que « l’automatisation de la plupart des métiers productifs dans l’agriculture et l’industrie a mené, au cours du XXe siècle, à la multiplication des métiers les plus futiles : lobbyistes, actuaires, télémarketers, professionnels des relations publiques, avocats d’affaires, etc. Autant de jobs « bidons »  qui ne manqueraient à personne si on venait à les supprimer ».
 
Ces cris d’alarme rejoignent ceux que nous avons entendus lors du colloque, dont vous lirez le compte rendu dans la Tribune d'aujourd'hui, sous la plume de Philippe Hallet.
 
La Commission européenne favorise, d’ores et déjà, des mécanismes de résolution des conflits (solv-it, MED-OL), rapides et efficaces, qui ne font recours ni à des juges ni à des avocats. Ebay est, aujourd’hui, le plus grand tribunal du monde en nombre de conflits résolus. Et des machines, fondées sur des algorithmes seraient déjà capables de prédire aux C.E.O. de nos grandes entreprises, avec plus de fiabilité que leurs avocats ou conseillers juridiques, la solution qu’un juge donnerait probablement à leurs conflits.
 
Certes, dans certains domaines, on aura toujours besoin de juges et d’avocats : droit pénal, droit de l’immigration, une partie du droit de la famille et du droit commercial, …
 
Mais au-delà, si nous ne nous défendons pas, si nous n’imaginons pas l’avenir de notre profession, et du modèle de société dans lequel nous vivons, son avenir n’est pas garanti.
 
Il n’est sans doute pas trop tard, mais il est temps.
 
L’actualité immédiate illustre plus que jamais ce propos. En parcourant cette Tribune, vous constaterez qu’AVOCATS.BE est sur tous les fronts : aide juridique, T.V.A., secret professionnel, conservation par les opérateurs de télécommunication des métadonnées générées par nos communications électroniques, acte d’avocat, Code de droit économique, défense de la démocratie et des libertés fondamentales.
 
Parallèlement, les experts du plan « Horizon 2025 » progressent dans leurs travaux. Nous disposerons, cette année encore, d’un document prospectif qui nous permettra, je l’espère, de nous imaginer un futur.
 
Rien ne dit que les avocats seront présents à jamais. Mais rien ne dit non plus qu’ils disparaîtront. Notre avenir nous appartient, partiellement en tout cas.
 
La Libre entreprise du 22 février 2014 fait état de la création, par les buralistes français des comptes Nickel, sorte de service bancaire universel minimum. Voilà une profession qui, bien plus menacée que la nôtre, se remet en question, s’imagine et se défend.
 
Nous en sommes capables, tout autant qu’eux.
 
Mais c’est notre affaire à tous. Soyons futés. Avançons nos pions.