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Les droits de l'homme sont solubles dans la haine - Mot du président - 03/09/2015

La crise des migrants – puisque c’est par cet affreux mot qu’il semble convenu de l’appeler – fait vaciller notre modèle de société. Sous la prétendue pression que l’actuel afflux de réfugiés exerce sur nos pays, nous en venons à oublier, et les principes fondamentaux sur lesquels nous avons construit nos démocraties, et des évidences solaires.
 
Au rang des secondes, il faut rappeler que les pauvres gens qui sont aujourd’hui jetés sur les routes, livrés aux mains des passeurs, exploités, rançonnés, entassés dans des cales de bateau ou des compartiments frigorifiques, enfermés derrière des barbelés (tiens cela nous vous rappelle rien), sacrifiés, ne le sont que parce nous, occidentaux, avons été porter l’exploitation, la déstabilisation et la mort chez eux. Certes, nous ne sommes pas responsables de tout. Sans l’intervention américano-anglaise en Irak, la Syrie ne serait pas aujourd’hui un Eden. Sans la colonisation (et la décolonisation), l’Afrique ne serait pas aujourd’hui un continent de paix et de fraternité. Mais il faut reconnaître que, bien plus que la civilisation, c’est la pauvreté, l’exploitation, la mort et l’indignité que nous avons apportées dans ces pays.
 
Rappelons d’ailleurs que, parmi ceux qui détruisent des temples, qui asservissent et violent des femmes, qui pillent et qui incendient, qui trucident et qui décapitent, il y a des jeunes qui viennent de chez nous, et pas si peu.
 
Face à cet immense cri de douleur, à ce tonitruant appel au secours, nous ne pouvons opposer l’égoïsme et le repli sur nous.
 
La plupart de ces hommes, femmes et enfants qui viennent ainsi frapper à notre porte, en mendiant un peu d’aide et de compassion, ont indiscutablement droit au statut de réfugié et à la maigre protection qui y est liée. Pourtant, certains osent élever la voix pour demander qu’on les réduise encore.
 
La libre circulation des personnes à travers les frontières de l’espace Schengen est un des plus beaux acquis de l’Europe. Pourtant, certains veulent rétablir les cloisons, pas même pour nous protéger contre ces terroristes qui se sont expatriés là-bas et qui reviennent aujourd’hui chez nous, mais simplement pour freiner l’exode de ces hommes et femmes qui fuient la mort et la terreur. Ce mercredi, horresco referens, les autorités tchèques auraient refoulé quelques centaines de réfugiés syriens, en les marquant comme du bétail.
 
Déjà, sous le poids d’autres menaces, d’autres acquis fondamentaux des lumières sont en train de s’estomper : la sphère de notre vie privée se réduit comme une peau de chagrin face à la surveillance de masse que l’on veut nous imposer pour contrer la menace terroriste ; les droits de la défense reculent sans cesse face aux nécessités de l’efficacité d’une justice pénale exsangue, parce qu’on ne lui donne pas les moyens de remplir son office.
 
Oui, les droits de l’homme peuvent disparaître dans la haine.
 
Souvenons-nous du message de Stéphane Hessel. Faisons en sorte qu’il reste vivace. Nous devons garder notre capacité d’indignation, d’accueil et de générosité.
 
L’humanité, c’est cela. Cela devrait être cela.
 
Luttons !