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Mot du président - 19/12/2013

Chers confrères,
 
L’année 2013 se termine sous le signe d’une certaine morosité.
 
Par l’arrêt qu’elle a prononcé ce jeudi 19 décembre 2013, la Cour constitutionnelle a rejeté le recours en suspension que nous avions dirigé contre la loi du 29 juillet 2013 supprimant l’exonération de la T.V.A. sur les prestations d’avocat.
 
Certes, nous n’avons perdu qu’une bataille et la guerre n’est pas finie. Notre recours n’est rejeté que parce que nous n’avons pas pu démontrer que les préjudices immédiats que causera l’entrée en vigueur de ce nouveau régime sont suffisamment « graves et difficilement réparables », au sens assez restrictif auquel cette notion est entendue devant la Cour constitutionnelle. Notre action sera donc poursuivie en annulation. Nous continuons à avoir confiance dans la pertinence des arguments que nous développons. Le déséquilibre que cette charge supplémentaire de 21 % induit pour les particuliers non assujettis à la TVA, lorsqu’ils doivent engager, ou subir, un procès qui les oppose à une personne assujettie, nous paraît suffisamment considérable pour que cela retienne l’attention de notre Cour constitutionnelle, voire de la Cour de justice de l’Union européenne.
 
Dans le courant de cet après-midi, la Chambre adoptera peut-être le projet de réforme du Conseil d’Etat qui a été voté par le Sénat au début de ce mois. Il comprend des dispositions qui nous paraissent, également, très restrictives en matière d’accès à la justice. Vous lirez plus loin dans nos colonnes la carte blanche que Michel Kaiser et moi-même consacrons à cette question, pourquoi nous craignons que cette réforme, si elle est adoptée sans nuances, risque de faire du Conseil d’Etat un juridiction « citoyens non admis ».
 
Et que dire de l’aide juridique ?
 
Au moment où les présentes lignes sont écrites, nous ne savons toujours pas quelles propositions Madame la ministre de la Justice soumettra au conseil des ministres pour permettre une revalorisation et une amélioration de l’aide juridique. Nous ignorons même si, finalement, elle en soumettra de quelconques. Vous le savez, ce n’est pourtant pas faute, pour l’O.V.B. et AVOCATS.BE d’avoir communiqué des idées, élaboré une nouvelle nomenclature, proposé des textes, élaboré des pistes innovantes.
 
Je m’arrête là, quoique je pourrais encore vous faire part de nombreuses autres doléances. Les menaces qui pèsent sur notre profession, sur l’accès à la justice et sur la justice en général sont, en effet, très nombreuses.
 
En guise de souhait pour l’année 2014, je voudrais, dès lors, vous répercuter à mon tour un message que j’ai entendu à trois reprises au cours de la dernière quinzaine.
 
Les 5 et 6 décembre 2013, au moment où Nelson Mandela nous quittait, j’ai participé à la rentrée de la conférence du stage et du barreau de Paris. Elle était placée sous le signe des droits de l’Homme (le prix Ludovic Trarieux 2013 a été remis à Maître Vadim Kuramshin, un avocat kazakh emprisonné dans son pays, en présence de sa mère et de son jeune frère et ce fut l’occasion de rappeler que le premier lauréat de ce prix était précisément, Nelson Mandela), et de l’avenir (un colloque était consacré à la place de l’avocat dans l’Europe du XXIe siècle). J’aurai certainement l’occasion de vous en reparler. Mais j’ai été frappé par une petite phrase, prononcée par la directrice de la chancellerie, en réponse au discours revendicatif et courageux qu’avait prononcé Madame le bâtonnier Christiane Féral-Schuhl. Comme celle-ci se plaignait que la voix des avocats soit trop peu entendue par le gouvernement, la directrice de la chancellerie lui a répondu en se demandant de quelle voix elle parlait. « Les avocats parlent en ordre dispersé. Comment voulez-vous qu’on les entende ? ».
 
Ce message était aussi celui que Maître Eric Balate, bâtonnier du barreau de Mons, a délivré par le discours qu’il a prononcé ce 14 décembre 2013, en ouverture de la rentrée solennelle de la conférence du Jeune barreau de Mons. Le bâtonnier Balate a imaginé le paysage judiciaire de 2053. Il était idyllique : un tribunal unique pour l’ensemble de la Région wallonne, devenue partie intégrante de la nouvelle Europe des régions ; un guichet unique auprès duquel toutes les affaires, en ce compris le contentieux administratif, étaient introduites par voie électronique, avec distribution et mise en état rapide avant que les dossiers soient plaidés dans les actuels lieux de justice. Fini le temps des lentes affaires : un jugement en trois mois. Tout litige comprenant un élément d’extranéité était soumis à un tribunal européen, fonctionnant selon les mêmes caractéristiques, et avec la même efficacité.
 
C’était un rêve, mais un beau rêve.
 
Et ce que j’en retiens, c’est que, dans ce rêve, si l’on avait abouti à ce paradis judiciaire sur terre, c’est parce que les avocats – et aussi les acteurs de justice – s’étaient unis, et avaient œuvré de concert. La grande profession du droit, englobant avocats, notaires, huissiers de justice, conseillers fiscaux et juristes d’entreprises était devenue une réalité, dans le respect des prérogatives de chacun. Les juristes parlaient d’une voix. Ils étaient entendus.
 
C’est aussi le message que le bâtonnier du barreau de Namur, Maître Benoît Hoc, vient de porter dans les colonnes de la revue « Justement », en première page du n°4, que nous avons reçu en ce début de semaine. En conclusion de son message courageux, il nous dit : « n’ayez rien à craindre d’une fusion des barreaux dont les avantages l’emportent sur les inconvénients et si elle est le fruit de l’écoute et du respect mutuel : l’union fait la force et du mouvement nait l’équilibre ».
 
Le monde ne s’est pas fait en un jour. Mais il ne deviendra meilleur que si nous y travaillons ensemble.
 
C’est le vœu que je forme, pour vous, pour nous, en 2014.