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J’ai des soldats sous mes ordres – Deux mystères évangéliques

J’ai des soldats sous mes ordres – Deux mystères évangéliques, par François Sureau, Paris, éditions Salvator, 192 pages, 18 €.

 

« La justice est-elle moins violée quand on la refuse à un seul homme plutôt qu’à deux mille ? Nos maîtres en philosophie ne nous ont-ils pas appris à préférer la justice à tout, fût-ce au prix du ciel s’écroulant sur nos têtes ? »

Que serait-il advenu si Ponce Pilate avait su ? Qu’en livrant Jésus de Nazareth au sanhédrin, il permettrait à une vague immense de se soulever, qui balaierait l’empire romain, qui serait cause de tant de morts, tant de massacres, tant de guerres, qui ferait émerger un monde nouveau ? Mais pouvait-il échapper à son destin ? Et si même, qui dit que notre monde eût été différent ? Ce Pilate aurait-il pu sauver l’amour ?

François Sureau, dont j’ai déjà rendu compte, dans ces colonnes, du fulgurant Le chemin des morts, nous livre deux réflexions ignaciennes sur le monde, la foi, la connaissance. Prenant pour point de départ un récit de Roger Caillois consacré à Ponce Pilate, il revient sur une des mythes les plus puissants de notre histoire.

« Ce que montre le récit de la passion, c’est un sauveur assassiné par les politiques sur les injonctions de la foule avec la bénédiction des prêtres, et l’on se prend à rêver sur les efforts que les religions chrétiennes et leurs institutions ont dû faire pendant vingt siècles pour cacher cette évidence et maintenir les croyants dans l’obéissance aux rois – fussent-ils démocratiques – et aux clercs. Tel n’est pas le propos de Caillois … Dans un essai de Méduse et compagnie, Caillois note que souligner la « beauté » des papillons n’est pas faire preuve d’anthropomorphisme mais relever que la « beauté » est, tout comme la sélection darwinienne, un principe structurant de l’ordre des choses. Il applique à son Pilate la même règle, et décrit une histoire universelle entièrement structurée par une foi qui lui est étrangère, mais qui néanmoins relève du réel et non de l’illusion … Il fait jaillir pour nous l’hypothétique néant d’un monde où Dieu ne se serait pas incarné, ou du moins où les hommes, tout comme lui, n’y aurait pas cru ».

François Sureau, lui, est chrétien et ne s’en cache nullement. Lui a rencontré le seigneur et, comme les rois mages, est rentré chez lui, mais par un autre chemin. C’est aussi ce qu’il approche par un second mystère, mettant en scène le miracle de Capharnaüm. On sait que Jésus, mandé par un centurion romain pour sauver son serviteur et ami qui est en train de mourir, répondra simplement « Qu’il soit fait selon ta foi ». C’est une histoire à laquelle on croit ou non. Mais elle est bien réelle puisqu’elle a façonné notre monde.

« Le jugement ne répare rien. Il met seulement le mal en évidence. Le jugement corrompt autant que le crime. Le jugement est un acide, qui commence à se répandre bien avant le prononcé de la peine… ».

François Sureau est aussi avocat. Et ces mots sous sa plume ouvrent aussi d’autres réflexions. Qui a dit, « Tu ne jugeras point » ?