Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

  • Mission d'observation à Tirana

    À la demande du barreau de Grèce, j’ai été amené à observer à Tirana, le procès (audience de l’équivalent de notre chambre des mises en accusation, statuant en matière de détention préventive) de Fredis Beleris, maire élu de la petite commune de Himarë, dont la majorité de la population appartient à la minorité grecque d’Albanie, arrêté pour suspicion de fraude électorale deux jours avant l’élection (mai 2023) et toujours détenu depuis, sans avoir été autorisé à prêter serment et à déléguer sa fonction à un vice-maire quoique la commission électorale ait validé son élection. Voici le rapport de cette mission.

    S'il vous plait, laissez-moi faire mon devoir | La Tribune (avocats.be)

  • Abubakar Yangulbayev, avocat en danger

    Abubakar Yangulbayev est un avocat tchètchène (Russie)

    Avocat de l’organisation Crew against torture, fils d’un juge fédéral (Saidi), frère d’un des fondateurs du mouvement d’opposition Adat (Ibragim), il vient d’être ajouté à la liste de terroristes et d'extrémistes par le Service fédéral russe de surveillance financière. Début juillet, il avait été inculpé d'"organisation d'activités extrémistes" à la suite d'un flux vidéo auquel il avait participé et qui émanait du mouvement d'opposition tchétchène interdit Adat.

  • Les quatre vérités du procès pénal, par Bruno Dayez

    Les quatre vérités du procès pénal, par Bruno Dayez, Bruxelles, Samsa, 2023, 64 pages, 8 €.

    Le jugement est donc, du point de vue de la vérité, sa propre fin. Il se suffit à lui-même. Quel qu’il soit, il fera autorité. Après avoir clôturé les débats, le tribunal s’en est allé délibérer seul. L’effet utile de sa décision n’est pas à chercher du côté de la vérité ; il consiste essentiellement en ce que le procès s’est tenu. Il est achevé une bonne fois pour toutes. Son bénéfice principal est d’avoir mis un terme à ce qui l’avait suscité. En d’autres termes, que le jugement soit – ou non – conforme à la vérité est relativement anecdotique puisqu’il n’y a aucun lieu où se tenir pour en juger. Beaucoup plus essentiel est le fait que tout jugement quelconque, assimilé d’office à la vérité par l’effet d’une fiction juridique, ne puisse jamais être remis en question et force le respect.

    Peut-être touchons-nous là deux des causes majeures de la crise que connaît aujourd’hui notre société.

    Tout d’abord, faute de moyens, les procès se font rares. Et lorsqu’un conflit reste ainsi sans solution, parce que le ministère public a, bon gré, mal gré, classé sans suite, c’est une plaie qui reste ouverte, qui continue de saigner, de s’infecter, de contaminer.

  • Café et cigarettes, par Ferdinand Von Schirach

    Café et cigarettes, par Ferdinand Von Schirach, Paris, Gallimard, 2023, 164 pages, 20 euros.

    Lors d’une attaque terroriste à Bruxelles, deux bombes explosent dans l’aéroport et une autre dans une station de métro. Trente-cinq personnes sont tuées et plus de trois cents blessées.

    Le soir, le ministre de l’Intérieur déclare devant les caméras : « La protection des données, c’est bien beau, mais en temps de crise, la sécurité prime ».

    Ceci est le 31e des 48 fragments qui composent cet ouvrage. Cinglant, limpide. Comme la terrible maxime de Benjamin Franklin sur la sécurité et la liberté.

    Il est aussi le plus court. Les plus longs font cinq ou six pages. Des notes prises au hasard de pérégrinations, des souvenirs, des annotations de lecture. C’est parfois tendre, parfois critique, parfois ironique, voire provocateur (comme lorsqu’il se lance dans une curieuse apologie de la cigarette), toujours pertinent.

    Ferdinand Von Schirach est avocat pénaliste à Berlin. Il a écrit plusieurs romans. J’ai déjà rendu compte de deux d’entre-eux : L’affaire Collini et Tabou.

    La vérité est un thème qui l’obsède. Je le rejoins.

     

  • Saleh Nikbakht, avocat en danger

    Saleh  Nikbakht est un avocat iranien.
    Également professeur d’université, Saleh Nikbakht est avocat à Téhéran. Président de la Société des Prisonniers Politiques, il a défendu des politiciens poursuivis par le régime, tels Hashem Aghajari, Abbas Abdi, Emad Baghi ou des candidats aux élections présidentielles de 2009.
  • Les contemplées, par Pauline Hillier

    Les contemplées, par Pauline Hillier, Paris, La Manufacture de livres, 2023, 184 pages, 18,90 euros.

    Je suis sale de cette nuit dans la crasse de la Geôle. Sale des regards concupiscents des gardiens. Sale de la fouille à nu. Sale de l’air que je respire, inspiré et expiré par trente bouches avant moi. Sale d’avaler leurs haleines, l’intérieur de leur corps, le souffle de leurs entrailles. Sale de ces inconnues autour de moi, de leurs chairs ramollies qui frôlent les miennes, de leur proximité, de leur omniprésence dans mon champ de vision. Tout me dégoute.

    Ainsi commence la détention de Pauline Hillier à la Manouba, la prison pour femmes de Tunis. Pourquoi est-elle là ? Peu importe. Elle ne le dira qu’en toute fin d’ouvrage et ce n’est pas important.

    Ce qui importe c’est la bête. La Manouba. La prison. Et ceux qu’elle avale, qu’elle humilie, qu’elle broie, qu’elle réduit à la condition de bête sauvage. Machine à extirper la dignité, à nier l’humanité.

    Pourtant, dans ce lieu clos, vivent des femmes. Elles ont tué, elles ont volé, elles ont escroqué, elles ont été violées et elles ont osé le dénoncer. Elles sont coupables ou victimes. Elles ont été condamnées à la réclusion, à être des recluses. Certaines en deviennent folles. D’autres gèrent, s’adaptent, se créent un nouveau microcosme. Mais elles ont un point commun : elles sont pauvres.

    La prison c’est pour les pauvres.

     

  • Venus Faddoul Barrios, avocate en danger

    Venus Marina Faddoul Barrios est une avocate vénézuélienne.

    Venus Faddoul Barrios a consacré sa carrière à la défense des droits des femmes au Venezuela. Elle s'occupe d'affaires dans ce domaine depuis plus de dix ans. Elle est également directrice de 100% Estrogeno, une ONG qui se consacre à la production de contenus éducatifs et à l'offre d'une aide juridique en matière d'activisme féministe, avec un accent particulier sur la participation politique des femmes, les droits sexuels, la violence fondée sur le genre et l'inégalité dans le travail.

  • La Turquie, nouveau califat ? par Ardavan Amir-Aslani

    La Turquie, nouveau califat ?, par Ardavan Amir-Aslani, Paris, L’Archipel, 2023, 422 pages, 21 euros.

    Après deux décennies de « règne » sans partage, le bilan que le président-sultan laissera dans l’Histoire sera sans doute mitigé. Outre qu’elles sont exorbitantes pour ses finances en grande difficulté, les ambitions démesurées de sa politique étrangère ont fait de la Turquie une nation qui dérange. Bien qu’ils tolèrent de moins en moins ses ambivalences et ses chantages, ses alliés de l’OTAN, comme ses partenaires économiques de l’Union européenne, se trouvent bien en peine de prendre des mesures radicales face à un allié qui reste indispensable par sa force de frappe militaire et son positionnement géographique stratégique. Conscient de son poids géopolitique, Erdogan maintient son étrange stratégie d’équilibriste, caractérisée par une forte agressivité diplomatique, dans le seul et unique but de faire avancer l’agenda qu’il a fixé pour la Turquie…

    Le Moyen-Orient, c’est comme la Belgique : si on vous explique et que vous comprenez, c’est qu’on vous explique mal…

    Pourtant, en lisant ce bel essai d’Ardavan Amir-Arslani, avocat turc inscrit au barreau de Paris, où il enseigne également la géopolitique du Moyen-Orient à l’École de guerre économique, j’ai eu l’impression de comprendre pas mal de choses. Bon, ce n’est pas tout le Moyen-Orient, mais c’est quand même la Turquie et ses voisins.

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