Prête-moi ta plume

  • L'Itoi, par Jean-Marc Rigaux

    L’Itoi, par Jean-Marc Rigaux, Liège, Murmures des soirs, 2024, 239 p., 22 €.

    - Tu crois que je n’ai ni morale, ni sentiments. J’ai ma morale. Chacun a la sienne. C’est pour ça qu’il y a la guerre. L’Itoi l’avait compris.

    Qu’est-ce qu’un pervers narcissique si ce n’est celui qui n’a de morale que la sienne ? Qui ne pense que lui et pour lui. À n’importe quel prix.

    L’Itoi est un des principaux personnages de la cosmogonie Tohono O’odham, une tribu indienne du nord du Mexique. Lorsque Dieu créa la terre à partir de sa sueur et de sa saleté et qu’elle se collisionna avec le ciel, l’Itoi naquit. Avec Dieu, il peupla le désert, puis s’empara du titre de « Grand Frère ». Il éleva les humains et leur apprit les arts. Et puis la guerre. Puis il se retira sous terre au centre d’un grand labyrinthe. Seuls les plus forts le trouvent.

    C’est, en quelque sorte, le but du personnage principal de ce nouveau roman de Jean-Marc Rigaux[1]. Un psychiatre, psychanalyste renommé, voire un gourou. Il a eu trois femmes et trois enfants, dont nous découvrirons les destins.

  • "Monsieur Magendavid est venu nous dire bonjour", par Rosita Winkler et Déborah Gol

    « Monsieur Magendavid est venu nous dire bonjour… », par Rosita Winkler et Déborah Gol, Liège, Territoires de la mémoire, 2023, 180 p., 16 €.

    Rosita Winkler et Déborah Gol, épouse et fille de Jean Gol, bru et petite fille de Stanislas Gol, nous racontent l’épopée de leur famille au cours de la première moitié de ce funeste XXe siècle. Comment Coussel et Yocheved (qui sont les arrière-grands-parents de Déborah, les grands-parents maternels de Jean) ont quitté leur Lituanie (qui, à l’époque, n’était pas indépendante et faisait partie de l’empire des tsars) natale pour rejoindre cette Wallonie, à l’époque prospère et entreprenante. Comment ils s’y sont établis. Comment ils y ont regroupé leur famille. Comment ils y ont vécu. Comment ils y ont affronté le nazisme. Comment ils sont morts.

    Une histoire liégeoise, de 1908 à 1945, comme elles sous-titrent tout simplement leur récit.

    Leur travail est impressionnant. Elles ne brodent pas. Elles alignent des documents. Ceux qu’elles ont exhumés des archives nationales, communales, familiales. C’est un travail documentaire, terriblement impressionnant parce qu’il ne laisse pas de place à l’interprétation. Ce que nous lisons, ce sont des faits bruts.  Qui est parti quand. Qui est arrivé où. Qui a entrepris quoi. Qui a été persécuté. Qui a écrit quoi. Qui est resté. Qui s’est vu spolié de ses biens. Qui est arrivé à Auschwitz…

  • La Justice contre les Hommes, de Laure Heinich

    La Justice contre les Hommes, par Laure Heinich, Paris, Flammarion, 2023, 202 p., 20 €.

    Eric dit qu’il va en crever s’il continue, qu’il va y laisser sa peau. Il poste sa missive sur les réseaux sociaux, il se sent « au milieu de ce monde de justice qui ne nous écoute plus », il pense qu’il « n’en a plus la force ». Il ne veut pas non plus « mourir avocat ». Ce qui le motive, des considérations personnelles (un peu) et « les non-réformes toujours plus déconsidérantes de la justice » (surtout). Nous devenons quasiment des avocats de l’institution, celle qui broie nos clients, celle qui se moque, nous l’excusons, nous passons un temps infini à dire à ceux que nous défendons que le juge fait de son mieux, mais que lui non plus, il ne peut plus. Eric a déjà trop sonné l’alerte, il en est à constater le déluge : « Je n’ai pas choisi ce métier pour l’effondrement qui vient » …

    Est-ce ainsi que nous voulons vivre ?

  • Code Kanun, par Michel Claise

    Code Kanun, par Michel Claise

    - Réginald, j’espère que cette fois, tu ne me déranges pas pour rien. La dernière fois que le Parquet m’a sortie des plumes en pleine nuit, c’était pour un suicide.

    - Désolé de t’arracher aux bras de ton mari, mais là on n’a pas le choix. Un type à Anderlecht, sur le trottoir devant le parc, abattu à la mitraillette en pleine rue. Le légiste n’a pas fini de compter les trous...

    C’est ainsi que Julie, juge d’instruction, met le pied dans cette sombre guerre des gangs qui, de Rotterdam puis Anvers, s’insinue maintenant dans toutes nos grandes villes. Trafiquants de drogue, d’armes, de femmes, de produits contrefaits. Mafias italiennes, albanaises, marocaines, russes, chinoises. Nos villes deviennent leurs terrains de jeux.

    Mais ces jeux-là ne sont pas pour les enfants de chœur. En Albanie, on ne rigole pas avec le code Kanun, version locale de la vendetta corse.

    Michel Claise puise donc à nouveau dans les affaires dont il a eu à connaître comme juge d’instruction les éléments d’une nouvelle intrigue qui mènera ses protagonistes d’Anvers à Tirana et de Rotterdam à Medellin.

    Code Kanun par Michel Claise | La Tribune (avocats.be)

  • Le passage, par Gery Van Dessel

    Le passage, par Géry VAN DESSEL, Angers, Saint-Léger éditions, 2023, 96 pages, 12 euros.

     

    N’écoutez pas les pas du bourreau

    C’est le temps qui passe

    Seul compte le chemin nouveau

    Ne vous fondez pas dans la masse

    Le creux ne fait que se creuser

    Ce qui se confond sombre

    Mais si les couleurs tombent

    Tes mots sont des sentinelles dressées

     

  • Journal d'assises, de Janine Bonaggiunta

    Journal d’assises, de Janine Bonaggiunta, adaptation de Nathalie Mongin, aux Bien Veilleuses (Théâtre Le Public), du 6 au 17 février 2024.

    Journal d’assises, de Janine Bonaggiunta, Paris, Editions Héloïse d’Ormesson, 144 p., 15 €.

    Mettre des mots sur les maux.

    Je vous ai déjà parlé de Janine Bonaggiunta qui, avec sa consœur Nathalie Tomasini, avait publié, en 2020, un premier ouvrage, Une défense légitime.

    Celle qui fut l’avocate de Jacqueline Sauvage, poursuivie pour avoir tué son bourreau de mari, nous confiait alors son engagement pour la défense des femmes victimes de violences conjugales, à laquelle elle s’est quasi-exclusivement consacrée.

    Janine Bonaggiunta a souvent plaidé aux assises. Malheureusement trop rarement à la défense. Peu sont celles qui, comme Jacqueline Sauvage, se retrouvent dans le box des accusés. Généralement, les femmes sont à la table des parties civiles, quand elles sont toujours en vie…

    Mais tel est parfois le cas. Avec ce Journal d’assises, c’est l’un de ces procès que nous raconte notre confrère. Et Nathalie Mongin a adapté l’ouvrage pour en faire une œuvre théâtrale, mise en scène par Michel Kacenelenbogen et interprétée par Aylin Yay.

  • Les joyeusetés de la langue française, par Hippolyte Wouters

    Les joyeusetés de la langue française, par Hippolyte Wouters, Bruxelles, 32 pages, 15 euros (à commander à l’adresse hippolyte@wouters-theatre.com et à payer au compte BE12 0637 5061 1192).

    Hippolyte Wouters a couché … sur papier le texte de cette conférence sur les joyeusetés de la langue française qu’il a déjà prononcée dans bien des pièces et qui, à chaque fois, ravit ses auditeurs. Quel plaisir de le voir ainsi jongler avec adresse et les mots (ceci est un zeugma, comme dans « bizarre, se dit-il en français, lui-même et gloussant » ou, plus juridique, « il viola cette pauvre femme et la loi » : absence de répétition d’un mot ou d’un groupe de mots quand l’esprit peut aisément les rétablir) !

    Et la Marine va venir à Malte.

    Bon dieu, qu’elle y reste ! L’art du palindrome (mot ou phrase qui se lit de façon identique de gauche à droite ou de droite à gauche) est plus délicat, non ?

    Les Joyeusetés de la langue française par Hippolyte Wouters | La Tribune (avocats.be)

  • Couleur et droit, par Jacques Larrieu

    Les rapports entre le droit et la couleur sont nombreux. Parfois la couleur dit le droit (c'est le cas des panneaux routiers, des feux de circulation, des cartons des arbitres sportifs, des balises maritimes...). Parfois la couleur dit le statut (c'est le cas des casques bleus, des drapeaux blancs, des croix rouges, vertes ou blanches...). Parfois c'est le droit qui dit la couleur (à Wimbledon, on joue en blanc ; un piment d'Espelette, c'est rouge ; les anneaux olympiques ont cinq couleurs standard). Parfois la couleur est saisie par le droit (les semelles rouges des souliers Louboutin sont protégées par le droit, comme l'outrenoir d'Anish Kapoor, et tant d'autres).

    Jacques Larrieu, professeur en droit de la propriété intellectuelle et de la concurrence, s'est livré à ce curieux inventaire des liens entre le droit et la couleur.

    Couleur et droit par Jacques Larrieu | La Tribune (avocats.be)

  • Considérant, Revue du droit imaginé

    Considérant, Revue du droit imaginé, sous la direction de Nicolas Bareït et Damien Connil, Paris, Classiques Garnier, 2022, 294 pages, 38 €.

    Le coupable condamné à mort pour parricide, sera conduit sur le lieu de l’exécution, en chemise, nu-pieds, et la tête couverte d’un voile noir. Il sera exposé sur l’échafaud pendant qu’un huissier fera au peuple lecture de l’arrêt de condamnation ; il aura ensuite le poing droit coupé, et sera immédiatement exécuté à mort (article 13 du Code pénal de 1810).

    Le parricide : crime suprême, crime contre l’ordre naturel, crime reconnu comme tel dans la plupart des civilisations, de la nôtre, judéo-chrétienne, aux orientales, marquées par le confucianisme.

    La revue Considérant, publiée une fois par an à Paris, se sous-titre elle-même « Revue de droit imaginé ». Elle explore les relations entre civilisations, littérature et droit. J’ai choisi de vous parler de son numéro 4, publié en 2022. Les numéros précédents avaient porté sur les thèmes « Représenter le droit » (2019), « L’élu » (2020), « L’erreur judiciaire » (2021). Le numéro 2023 est consacré au droit constitutionnel. C’est donc le parricide qui est l’objet de l’édition 2022. Il est disséqué au travers de neuf contributions, qui puisent leurs inspirations dans des domaines très divers, de l’histoire du droit au cinéma, en passant notamment par la sociologie et l’anthropologie.

  • Avocat des flics, par L-F Liénard et Avocat des libertés, par Y. Bouzrou

    Avocat des flics, par Laurent-Frank Liénard, Paris, Nouveau Monde éditions, 2022, 300 p., 18,90 €.

    Avocat des libertés, par Yassine Bouzrou, Paris, Nouveau Monde éditions, 2022, 336 p., 18,90 €.

    Ils ont énormément de points communs, à commencer par leur farouche esprit d'indépendance, leur engagement sans faille, leur parfaite maîtrise non seulement des règles du droit pénal et de la procédure pénale, mais aussi des domaines d'expertise qu'ils sont amenés à discuter dans le cadre des procès qui leur sont confiés, comme la balistique par exemple. Ils acceptent des causes difficiles, « sensibles » : de celles qui vous valent des menaces de mort[1].

    Ils sont donc pleinement avocats. Du genre combatif. Ils ont d’ailleurs tous deux pratiqué la boxe.

    L'un défend généralement les policiers, l'autre les victimes de violences policières illégitimes.

    Comme ils sont avocats, ils ont des points de vue différents. Mais ceux-ci ne sont pas forcément incompatibles. Ils ne nous parlent d'ailleurs pas des mêmes affaires, ou très rarement.

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