Prête-moi ta plume

  • Une autre justice est possible, par Bruno Dayez

    Bruno Dayez, clôturant une série de six petits essais sur la justice pénale, nous livre, un peu comme un testament, son rêve d'une justice qui répondrait aux réels besoins des justiciables et non à une fonction purement symbolique.

    Ce que fait notre justice pénale, c’est conforter le système établi en punissant pour l’exemple quelques milliers d’infracteurs soigneusement sélectionnés pour convaincre le public de rester dans les clous. Il s’agit d’une opération à haute teneur symbolique, consistant à donner à croire.

    (…)

    La justice pénale n’a jamais eu l’ambition de juguler la criminalité ni la délinquance, ni seulement l’ambition de la réduire dans des proportions significatives. Elle se contente d’apporter une réponse purement symbolique à des problèmes qui, eux, sont bien réels.

    Que faudrait-il pour que la justice pénale permette réellement d'endiguer le crime, de réparer partiellement les torts causés par les délinquants, de réinsérer dans la société ceux qui ont commis des infractions, d'endiguer la récidive ?

     

  • Poste restante, par Frédéric Kurz

    Poste restante, par Frédéric Kurz, Liège, Murmure des soirs, 2024, 194 pages, 16 euros.

     

    « Si j’avais le pouvoir de Staline, je ne le gaspillerais pas à réduire au silence les romanciers. Je réduirais au silence ceux qui écrivent sur les romanciers. J’interdirais toute discussion publique de la littérature dans les journaux, les magazines et les revues spécialisées. J’interdirais l’enseignement de la littérature dans les établissements scolaires, du primaire au supérieur en passant par le secondaire. Je prohiberais les groupes de lecture et les chats de discussion sur les livres sur Internet, et je mettrais sous surveillance les libraires pour vérifier qu’aucun vendeur ne parle de livres avec un client, et que les clients n’osent pas se parler entre eux. Je laisserais les lecteurs seuls avec les livres, pour qu’ils puissent en faire ce qu’ils veulent en toute liberté. Je ferais cela pendant autant de siècles qu’il faudrait pour désintoxiquer la société de votre charabia ».

    Cher Frédéric Kurz,

  • Rimbaud / Verlaine, une affaire insolite, par François Swennen

    Rimbaud/Verlaine, une affaire insolite, par François Swennen, Paris, Cohen & Cohen, 2024, 96 pages, 21 euros.

    Les juges de Bruxelles ne se sont pas fatigués avec le dossier de Paul. Ils ont dit pour droit : « À Bruxelles, le dix juillet mil huit cent septante-trois, Paul Verlaine a volontairement porté des coups et blessures ayant entrainé une incapacité de travail personnel à Arthur Rimbaud ». C’est tout. Dans l’enchainement, ils lui ont infligés la peine la plus sévère édictée par leur code – deux ans d’emprisonnement – pour ce délit, sans aucune autre justification que celle, nauséabonde, qu’ils n’ont pas eu l’honnêteté, ou le courage, ou simplement l’envie, de dévoiler dans les attendus de leur jugement. Ils ont peut-être aussi, tout bêtement, buté sur le mot à choisir – immorales ou plutôt contre-nature – et trouvé moins périlleux, et surtout plus confortable, de se taire.

    Ainsi s’exprime l’un des trois témoins que François Swennen a convoqués pour donner un nouvel éclairage sur cette étrange – insolite ? – affaire : le 10 juillet 1873 à Bruxelles, Paul Verlaine tire deux coups de feu sur son jeune amant, Arthur Rimbaud.

  • Cabane, par Abel Quentin

    Cabane, par Abel Quentin, Paris, Les Éditions de l’Observatoire, 2024, 480 pages, 22 euros.

    Au début des années ’70, le professeur Stoddart, qui enseigne la dynamique des systèmes à Berkeley et qui a veillé à ce que son université soit à la pointe des développements informatiques, demande à quatre étudiants de modéliser l’évolution de notre monde. Leur cahier des charges : « analyser les causes et les conséquences à long terme de la croissance sur la démographie et sur l’économie mondiale », en croisant les données relatives à la pollution, la production industrielle, la consommation, les ressources non renouvelables et la démographie mondiale.

    Il y a d’abord Mildred, la plus âgée, assistante de Stoddart, qui prendra la tête de l’équipe. Il y a Eugene Dundee, fils d’un pasteur mormon, qui deviendra son époux. Il y a Quérillot (prononcez « kerioth », comme l’iscariote en hébreu), un jeune français arriviste. Et il y a Gudsonn, un mathématicien norvégien, un peu égaré dans cette équipe d’économistes, visionnaire mais quelque peu instable.

    Il en sort neuf courbes. L’une d’elle n’est pas catastrophique. Mais elle est fondée sur un scénario irréaliste : que le monde prenne immédiatement conscience des dangers de la croissance et adopte illico des comportements plus responsables… Toutes les autres mènent à la catastrophe, à horizon seconde moitié du XXIe siècle. Un peu plus tôt, un peu plus tard…

     

  • Le droit saisi par l'art, sous la direction de Rémy Cabrillac

    Le droit saisi par l’art, sous la direction de Rémy Cabrillac, Paris, Dalloz, 2023, 296 pages, 35 euros.

    « Je veux faire des dessins qui frappent ».

    C’est ce que Vincent Van Gogh écrivit à son frère Théo. Est-ce le point de départ de l’entreprise de Rémy Cabrillac, qui s’est adressé à une bonne trentaine de juristes, surtout des professeurs d’université, pour leur demander choisir une œuvre d’art pour livrer aux lecteurs les émotions et réflexions qu’elle suscitait en eux ?

    Ainsi défini, le projet se comprend mieux qu’à la seule lecture du titre de l’ouvrage. Car, à dire vrai, peu de contributions traitent vraiment d’hypothèses où l’artiste a saisi le droit. Il y a certes La ronde des prisonniers, de Van Gogh, que Rémy Cabrillac analyse lui-même, montrant comment l’artiste a mis en scène le monde carcéral, parvenant à saisir dans le regard du personnage central toute la misère de notre droit pénal : le sort le met dans une société si mal faite, qu’il finit par voler ; la société le met dans une prison si mal faite, qu’il finit par tuer. Qui est réellement coupable ? interrogeait Victor Hugo dans Claude Gueux...

    Le droit saisi par l’art, sous la direction de Rémy Cabrillac | La Tribune

  • Assises, par Tiphaine Auzières

    Assises, par Tiphaine Auzières, Paris, Stock, 2024, 270 pages, 20,90 euros.

    « Madame la présidente, jusqu’à aujourd’hui, j’ai eu honte souvent. Je me demandais ce que j’avais fait pour être harcelée ainsi. Et je me disais souvent qu’il ne fallait pas faire une histoire de "toutes ces petites blagues" de M. Ray, comme il dit. Si vous saviez comme j’en ai souffert et comme je m’en voulais de n’être pas capable de passer au-dessus ! Qui le pourrait ? Si je n’y suis parvenue, je pense que ce sera pareil pour d’autres. Je vous le demande, madame le juge, faites-le taire, pour qu’il ne s’en prenne pas à de nouvelles personnes. Je m’exprime sûrement mal mais, du fond du cœur, je crois qu’il n’y a que cela qui pourra me rendre le sommeil ».

    ...

    Et puis, il y a Laura, qui s’est révoltée et qui a tué ce mari qui la persécutait, d’un coup de couteau à steaks dans la gorge, alors qu’il s’apprêtait, une nouvelle fois, à la violer sur l’évier de la cuisine, en lui assurant qu’elle hurlerait tellement fort que son fils l’entendrait. Laura qui comparaît aujourd’hui aux assises, poursuivie par la vindicte de la famille de cet odieux David, pour qui elle n’avait qu’à se soumettre ou à se plaindre à la police…

    Et, surtout, il y a Diane, brillante avocate pénaliste, qui défie l’avocat général chargé de requérir contre Laura en lui assurant qu’elle « n’engage aucun duel, elle les gagne ».

  • Le coucou de Malines, par Alain Berenboom

    Le coucou de Malines, par Alain Berenboom, Bruxelles, Genèse édition, 2024, 256 pages, 22,5 euros.

    Boorman-Bloemkool avait donc contribué à soustraire à la Justice des collabos notoires. Mais la page était désormais tournée. Les condamnations se faisaient de plus en plus rares. Ceux qui avaient réussi à échapper aux poursuites, dans la fièvre et la vindicte de l’après-guerre, pouvaient souffler, leur inconduite était oubliée. Les gens ne voulaient plus entendre parler de la guerre, de ses horreurs, de ses victimes, ni de l’Occupation. Rien ne valait une bonne amnésie pour construire un avenir prometteur.

    Oyez, oyez, Michel Van Loo, le célèbre détective amateur de gueuze grenadine, n’est pas mort, comme on aurait pu le craindre après sa précédente enquête. Il est vrai que, chronologiquement, celle-ci se situe en 1957, et donc avant Van Loo disparaît.

    Le brave Michel, sa charmante (et délurée !) fiancée flamande Anne, et leurs éternels complices, le pharmacien Hubert, le coiffeur Federico et les frères syndicalistes Motta sont donc de retour pour une nouvelle enquête.

  • Adélaïde. Lorsque l’intelligence artificielle casse les codes, par Christiane Féral-Schuhl et Tiphaine Mary

    Adélaïde. Lorsque l’intelligence artificielle casse les codes, par Christiane Féral-Schuhl et Tiphaine Mary, Paris, Lefebvre-Dalloz, 2024, 134 p., 19,90 €.

    Avant d’être avocat, Me ChatGPT avait créé la legaltech Tenor qui offrait des consultations en ligne de grandes qualités, à des tarifs ultra-compétitifs…

    Christiane Féral-Schuhl a été bâtonnière du barreau de Paris et présidente du Conseil National des Barreaux. Elle est spécialisée dans le domaine du numérique. Tiphaine Mary, sans doute plus connue sous son pseudo @MaîtreEtTalons, est avocate à Paris et dessinatrice. Elles ont conjugué leurs efforts, l’une au scénario, l’autre au dessin, pour nous offrir cette bande dessinée éducativo-engagée sur les bienfaits et les dangers de l’intelligence artificielle.

    C’est l’histoire d’Adélaïde, une ado hyperconnectée, vivant dans la ville avant-gardiste de Futura, qui décide, malgré l’opposition de son frère Ferdinand, un ronchon antimoderniste, de faire accompagner sa grand-mère, mamie Jacinthe, par un robot humanoïde ultraperfectionné, MrHide. Pas besoin de vous faire un … dessin : si au début, tout se passe bien, cela ne va pas durer et mamie Jacinthe va se faire dépouiller par son nouveau compagnon ultra connecté et … connectant. Et tout cela débouchera sur un procès pénal dont tous les acteurs sont des robots…

    ...

  • Au nom du peuple français, par François Molins

    Au nom du peuple français, par François Molins, Paris, Flammarion, 2024, 366 p., 22 €.

    « Vous allez exercer un métier dangereux ; pas pour vous, pour les autres ».

    C’est par ces mots que Pierre Truche, alors directeur de l’Ecole nationale de la magistrature à Bordeaux, accueille François Molins lorsqu’il entame son cursus. On imagine facilement pourquoi le futur procureur général les a retenus.

    C’est en tout cas par ceux-là qu’il a choisi d’ouvrir ses mémoires. Il nous raconte donc son parcours, de Carcassonne à la Cour de cassation, en passant par Montbrison, la Corse, Lyon, la Seine-Saint-Denis et puis, bien sûr, Paris.

    Au nom du peuple français par François Molins | La Tribune (avocats.be)

  • La petite menteuse, par Pascale Robert-Diard

    La petite menteuse, par Pascale Robert-Diard, Paris, Collection Proche, 2023, 174 p., 7,9 €.

    Pascale Robert-Diard est la principale chroniqueuse judiciaire du journal Le Monde depuis 2002. Elle a couvert un grand nombre de procès spectaculaires, avec un œil toujours parfaitement aiguisé et un grand respect pour l’ensemble des parties (ce qui lui a d’ailleurs valu de recevoir le prix des anciens présidents du Jeune barreau de Liège, qui récompense tout compte-rendu judiciaire « révélant le souci de donner une information respectant les droits de l’homme et, en particulier, la vie privée, la réputation et la présomption d’innocence ») mais elle a aussi, avec les mêmes soucis, suivi des dossiers plus ordinaires, ce qui fait la justice au quotidien.

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