Sophia, par Eléonore de Duve
Posté le 26/09/2025
Sophia, par Éléonore de Duve, Paris, Corti, 2025, 87 pages, 16 euros.
Sa grand-mère lui offre une fortunelle, son regard d’or et doux dans un écrin. Elle fut joaillière puis bibliothécaire, assistante sociale. Elle crée des rivières, en vue de passer liquidement de l’une à l’autre. Elle a demandé les livres de la chambre et, puisqu’ils étaient lourds, Sophia les a pris un par un. L’après-midi, oubliant les phrases de l’émission, les cognements, la vieille parcourt la Torah, le Coran, la Bible, la Veda, elle entrecroise des versions de l’humanité, relève les yeux chrysolithes pour dire à Sophia un mot vide, retenu par cœur : « Œcuménisme. » Ce faisant, elle modifie le mot, l’élargit, à plus grand que lui et à bien plus grand qu’elles.
D’une écriture stricte et plastifiée, entourée de symboles, insistant sur le « P », en le dessinant large, le grand-père consignera un vœu funèbre : « PAS de prêtre ou autre marsupial ».
L’écriture d’Éléonore de Duve n’est pas « facile ». Il y a des mots rares, des ellipses, des métaphores, des tournures inhabituelles, une forme à nulle autre pareille. Peut-on parler d’écriture « déconstruite » ? Ou « reconstruite » ?
Cela m’avait rebuté lors de la lecture de son premier roman, Donato.
Sophia est construit différemment. En quarante-sept chapitres, de plus en plus courts (le premier, ou plutôt le quarante-septième, car elle commence à rebours, compte deux pages et le dernier, qui porte donc le numéro un, une seule ligne), l’autrice dessine le contour d’une jeune femme, en pointillés, un peu comme un enfant qui picoterait. Des images apparaissent, tantôt légères, tantôt terribles. Des fleurs s’envolent, répandant des pétales de douceur, mais on croit aussi parfois entendre le canon tonner, au loin, ou pas si loin que cela.
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