Suivez mes commentaires sur l'actualité de la justice et des barreaux

  • La petite fille, par Bernard Schlink

    La petite fille, par Bernhard Schlink, Paris, Gallimard, 2023, 338 pages, 23 euros.

    Il m’est arrivé en petit ce que j’ai vu arriver en grand aux Allemands de l’Est après la chute du Mur. D’abord, ils furent joyeusement accueillis comme étant les bienvenus. Ils furent aussi questionnés avec intérêt sur ce qui s’était passé à l’Est et comment ils y avaient vécu. Mais on les interrogea comme quelqu’un qui rentre de voyage. Lorsqu’il apparut qu’ils n’avaient pas seulement fait un voyage, mais qu’ils venaient d’un autre monde, un monde où certaines choses ne leur avaient pas convenu, mais qui était le leur, qu’ils avaient édifié et entretenu, auquel ils étaient et restaient liés, l’intérêt disparut.

  • Léopold, enfant secret du Royaume, par Eric Causin

    Léopold, enfant secret du Royaume, par Éric Causin, Bruxelles, Genèse éditions, 2023, 112 pages, 17,5 euros.

    De tous les documents que tu avais parcourus jusque-là, c’était le plus ancien et, à en juger par le soin qui l’avait entouré, le plus précieux… C’était un arbre généalogique… Tu repris le décryptage, mot après mot, du plus ancien vers le plus récent, car tu voulais trouver ta place. Ton attention fut attirée par quelques lettres, peu lisibles, figurant à côté de ton prénom. L’encre utilisée était différente, l’écriture paraissait plus récente, comme si son auteur avait finalement exprimé ce qu’il avait jusque-là caché… Sous l’unique prénom Léopold de tout l’arbre, une main tremblante mais ferme – tu reconnus celle de ton père – avait écrit en petits caractères : adultérin, suivi d’un point d’exclamation.

    Tes yeux se figèrent sur le texte : à plusieurs reprises, tu répétas a-d-u-l-t-é-r-i-n à mi-voix, mécaniquement. Tout en toi se figea.

    Léopold Havenith est un enfant adultérin. Par sa mère. Son père était veuf quand il a été conçu. Mais son père n’était pas le premier venu. Ou plutôt si. Son père c’était le Roi. Léopold III.

  • Solus dare - (se) donner seul, par Jacques Laffineur

    Solus dare – (se) donner seul, par Jacques Laffineur, Wavre, Mols, 2021, 158 pages, 18 euros.

    La générosité pour l’individu est une vertu morale, la solidarité pour le groupe, une nécessité économique, sociale, politique. La première, subjectivement, vaut mieux. Mais elle est objectivement à peu près sans effet. La seconde, moralement, ne vaut guère, mais elle est, objectivement, beaucoup plus efficace.

    Cette pensée d’André Compte-Sponville est le point de départ de Céline, l’héroïne de Solus dare, le nouveau roman de Jacques Laffineur.

    Céline est chercheuse en sciences humaines à Grenoble et elle a entrepris une thèse sur un thème un peu exceptionnel : Génétique et générosité : étude des interactions causales aux confins de l’éthologie, de la sociologie, de la psychologie et de l’anthropologie.

    Quel est le ressort de la générosité ? Donne-t-on d’abord pour soi ? Parce que l’on attend un retour (comme dans la chanson de Jean-Jacques Goldman : il y a une question dans « Je t’aime ») ? Ce retour est-il nécessairement matériel ? Ne suffit-il pas parfois d’un simple sentiment de satisfaction intérieur, de pouvoir se dire à soi-même que l’on a bien agi et que, donc, sans même en attendre quoi que ce soit d’autre, on peut avoir une bonne image de soi ? La fierté comme seule rétribution…

  • Mission d'observation à Tirana

    À la demande du barreau de Grèce, j’ai été amené à observer à Tirana, le procès (audience de l’équivalent de notre chambre des mises en accusation, statuant en matière de détention préventive) de Fredis Beleris, maire élu de la petite commune de Himarë, dont la majorité de la population appartient à la minorité grecque d’Albanie, arrêté pour suspicion de fraude électorale deux jours avant l’élection (mai 2023) et toujours détenu depuis, sans avoir été autorisé à prêter serment et à déléguer sa fonction à un vice-maire quoique la commission électorale ait validé son élection. Voici le rapport de cette mission.

    S'il vous plait, laissez-moi faire mon devoir | La Tribune (avocats.be)

  • Abubakar Yangulbayev, avocat en danger

    Abubakar Yangulbayev est un avocat tchètchène (Russie)

    Avocat de l’organisation Crew against torture, fils d’un juge fédéral (Saidi), frère d’un des fondateurs du mouvement d’opposition Adat (Ibragim), il vient d’être ajouté à la liste de terroristes et d'extrémistes par le Service fédéral russe de surveillance financière. Début juillet, il avait été inculpé d'"organisation d'activités extrémistes" à la suite d'un flux vidéo auquel il avait participé et qui émanait du mouvement d'opposition tchétchène interdit Adat.

  • Les quatre vérités du procès pénal, par Bruno Dayez

    Les quatre vérités du procès pénal, par Bruno Dayez, Bruxelles, Samsa, 2023, 64 pages, 8 €.

    Le jugement est donc, du point de vue de la vérité, sa propre fin. Il se suffit à lui-même. Quel qu’il soit, il fera autorité. Après avoir clôturé les débats, le tribunal s’en est allé délibérer seul. L’effet utile de sa décision n’est pas à chercher du côté de la vérité ; il consiste essentiellement en ce que le procès s’est tenu. Il est achevé une bonne fois pour toutes. Son bénéfice principal est d’avoir mis un terme à ce qui l’avait suscité. En d’autres termes, que le jugement soit – ou non – conforme à la vérité est relativement anecdotique puisqu’il n’y a aucun lieu où se tenir pour en juger. Beaucoup plus essentiel est le fait que tout jugement quelconque, assimilé d’office à la vérité par l’effet d’une fiction juridique, ne puisse jamais être remis en question et force le respect.

    Peut-être touchons-nous là deux des causes majeures de la crise que connaît aujourd’hui notre société.

    Tout d’abord, faute de moyens, les procès se font rares. Et lorsqu’un conflit reste ainsi sans solution, parce que le ministère public a, bon gré, mal gré, classé sans suite, c’est une plaie qui reste ouverte, qui continue de saigner, de s’infecter, de contaminer.

  • Café et cigarettes, par Ferdinand Von Schirach

    Café et cigarettes, par Ferdinand Von Schirach, Paris, Gallimard, 2023, 164 pages, 20 euros.

    Lors d’une attaque terroriste à Bruxelles, deux bombes explosent dans l’aéroport et une autre dans une station de métro. Trente-cinq personnes sont tuées et plus de trois cents blessées.

    Le soir, le ministre de l’Intérieur déclare devant les caméras : « La protection des données, c’est bien beau, mais en temps de crise, la sécurité prime ».

    Ceci est le 31e des 48 fragments qui composent cet ouvrage. Cinglant, limpide. Comme la terrible maxime de Benjamin Franklin sur la sécurité et la liberté.

    Il est aussi le plus court. Les plus longs font cinq ou six pages. Des notes prises au hasard de pérégrinations, des souvenirs, des annotations de lecture. C’est parfois tendre, parfois critique, parfois ironique, voire provocateur (comme lorsqu’il se lance dans une curieuse apologie de la cigarette), toujours pertinent.

    Ferdinand Von Schirach est avocat pénaliste à Berlin. Il a écrit plusieurs romans. J’ai déjà rendu compte de deux d’entre-eux : L’affaire Collini et Tabou.

    La vérité est un thème qui l’obsède. Je le rejoins.

     

  • Saleh Nikbakht, avocat en danger

    Saleh  Nikbakht est un avocat iranien.
    Également professeur d’université, Saleh Nikbakht est avocat à Téhéran. Président de la Société des Prisonniers Politiques, il a défendu des politiciens poursuivis par le régime, tels Hashem Aghajari, Abbas Abdi, Emad Baghi ou des candidats aux élections présidentielles de 2009.

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